Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 101.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non pas, comme il le croyait, publiée, car elle l’avait été déjà par Delort dans ses Voyages aux environs de Paris, mais mise en lumière. Il la faut, comme lui, citer tout entière, en se rappelant, pour en bien comprendre tout l’intérêt, que le jeune comte de Saint-Paul, dont il va être si longuement question, était ce fils de Mme de Longueville, dont au su de tout le monde La Rochefoucauld était le père :

« M. le comte de Saint-Paul sort de céans, et nous avons parlé de vous, une heure durant, comme vous savez que j’en sais parler. Nous avons aussi parlé d’un homme que je prends toujours la liberté de mettre en comparaison avec vous pour l’agrément de l’esprit. Je ne sais si la comparaison vous offense ; mais, quand elle vous offenserait dans la bouche d’un autre, elle est une grande louange dans la mienne, si tout ce qu’on dit est vrai. J’ai bien vu que M. le comte de Saint-Paul avait ouï parler de ces détails, et j’y suis un peu entré avec lui. Mais j’ai peur qu’il n’ait pris tout sérieusement ce que je lui en ai dit. Je vous conjure, la première fois que vous le verrez, de lui parler de vous-même de ces bruits-là. Cela viendra aisément à propos, car je lui ai parlé des Maximes, et il vous le dira sans doute. Mais je vous prie de lui en parler comme il faut pour lui mettre dans la tête que ce n’est autre chose qu’une plaisanterie, et je ne suis pas assez assurée de ce que vous en pensez pour répondre que vous direz bien, et je pense qu’il faudrait commencer par persuader l’ambassadeur. Néanmoins, il faut s’en fier à votre habileté. Elle est au-dessus des maximes ordinaires ; mais enfin, persuadez-le. Je hais comme la mort que les gens de son âge puissent croire que j’ai des galanteries. Il semble qu’on leur parait cent ans dès qu’on est plus vieille qu’eux, et ils sont tout propres à s’étonner qu’il soit encore question des gens, et, de plus, il croirait plus aisément ce qu’on lui dirait de M. de La Rochefoucauld que d’un autre. Enfin, je ne veux pas qu’il en pense rien, sinon qu’il est de mes amis, et je vous prie de n’oublier non plus de lui ôter cela de la tête, si tant est qu’il l’ait, que j’ai oublié votre message. Cela n’est pas très généreux à moi de vous faire souvenir d’un service en vous en demandant un autre.

« En post-scriptum. — Je ne veux pas oublier de vous dire que j’ai trouvé terriblement de l’esprit au comte de Saint-Paul. »

Je ne sais jusqu’à quel point, après lecture de cette lettre, l’ambassadeur demeura persuadé ; mais il faut convenir que jamais pièce diplomatique ne fut moins convaincante. Comme cette lettre montre bien, au contraire, l’état d’agitation où se trouvait alors l’âme de Mme de La Fayette ! Elle ne veut point qu’on se trompe sur la nature de ses sentimens pour La Rochefoucauld. Elle a horreur de l’idée qu’on pourrait croire à une galanterie et, en même