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La Rochefoucauld et Mme de La Fayette eux-mêmes, et de dire mon sentiment sur la nature de leur commerce.


I

Les biographes de Mme de La Fayette n’ont pu, jusqu’à présent, s’entendre sur la date à laquelle on doit faire remonter son entrée en relations avec La Rochefoucauld. Les uns, prenant à la lettre cette assertion de Segrais que leur amitié aurait duré vingt-cinq ans, la font commencer (La Rochefoucauld étant mort en 1680), dès 1655, c’est-à-dire dès l’année même du mariage de Mme de La Fayette. Les autres fixent, au contraire, ce commencement à dix ans plus tard, c’est-à-dire précisément vers l’époque de la publication des Maximes ; mais les uns et les autres sont d’accord pour tirer de la fixation de cette date les conséquences les plus graves. Si Mme de La Fayette n’a connu La Rochefoucauld qu’en 1665, le sentiment qu’elle a éprouvé pour lui était de l’amitié ; mais si elle l’a connu dès 1655, alors c’était de l’amour. Quel que soit mon respect pour l’art de vérifier les dates, j’avoue qu’en cette matière il ne me paraît guère trouver son application. Dût-on parvenir à démontrer que Mme de La Fayette n’a connu La Rochefoucauld qu’en 1665, c’est-à-dire lorsqu’elle avait trente et un ans et qu’il en avait cinquante, la question ne me paraîtrait pas absolument tranchée pour cela. En effet, chronologie à part, une chose est certaine : c’est que La Rochefoucauld s’est emparé peu à peu de l’âme et de l’esprit de Mme de La Fayette, c’est que leurs deux existences, moralement et presque matériellement confondues, en sont arrivées, aux yeux de leurs contemporains, à n’en plus faire, en quelque sorte, qu’une seule ; c’est que, depuis la mort de La Rochefoucauld, Mme de La Fayette n’a plus vécu que d’une vie incomplète et mutilée. Si c’est là de l’amitié, je le veux bien, mais il faut convenir que cette amitié ressemblait furieusement à l’amour. Est-ce à dire, cependant, que leur relation fût de même nature que la célèbre liaison de La Rochefoucauld avec Mme de Longueville ? Je ne le crois pas non plus, et j’en vais dire mes raisons, bien qu’il y ait, j’en tombe d’accord, quelque lourdeur à s’appesantir sur des distinctions de cette nature. Mais dans leurs disputes, les biographes de Mme de La Fayette n’ont pas manqué de le faire, et on ne saurait le leur reprocher, car, en dépit de tous les sophismes, non-seulement les consciences droites, mais encore les imaginations délicates accorderont toujours la préférence aux femmes qui n’ont jamais perdu le droit au respect sur celles qui n’ont de titres qu’à l’indulgence. Je suis donc condamné à être un peu lourd à mon tour.

Tranchons d’abord, ou, du moins, éclaircissons s’il se peut cette