démesurées, sans parler du ravage causé par le fléau toujours croissant des lobystes et des politiciens.
Ce n’est pas uniquement sur le terrain de la morale pure que la race latine peut lutter avantageusement avec les Anglo-Saxons. L’ancien continent peut encore opposer, avec fierté et à bon droit, ses travailleurs de la terre à ceux du Nouveau-Monde, si bien servi qu’il soit par sa fécondité exceptionnelle. Pour ne parler que de la France, quelle différence, pour ce qui regarde la constitution et la solidité de la propriété foncière, quelle différence entre le sol façonné par le long labeur de nos pères, fatigué par les générations, mais resté tutélaire pour leurs enfans, et ces terres presque vierges, qui se sont données au premier occupant et qui ne peuvent déjà plus nourrir leurs maîtres d’un jour ! Ce n’est pas trop s’avancer, que de dire que les souffrances de l’agriculture se font sentir sur presque toute la surface civilisée du globe, par suite des brusques révolutions économiques. Mais quelle diversité, en France et aux États-Unis, entre les causes et les effets !
Chez nous, la propriété foncière, en même temps que notre unité nationale, s’est martelée et amalgamée lentement sous le pas pesant d’une série ininterrompue de cultivateurs français ; elle a prospéré grâce à l’épargne continue du seigneur ou du paysan, devenu propriétaire à son tour. La révolution de 1789, en donnant à chacun place égale au soleil, on proportion de son travail et de son mérite, a eu pour effet de substituer la petite propriété à la féodalité terrienne. Il en est sorti la patrie avec ses liens et ses droits, la famille rurale avec l’autorité nécessaire du chef de famille, enfin des mœurs nouvelles dont, quoi qu’en aient écrit certains réalistes, la religion fait du même coup la sociabilité et la force. Sous cette double influence, la condition de la femme s’est relevée, et la paysanne française s’est peu à peu transformée en bonne ménagère, sachant mettre en valeur toutes les forces perdues, ou ignorées jusqu’à son avènement, de toute exploitation rurale. C’est elle à cette heure qui est devenue la prévoyance, la gaîté et le porte-respect du foyer domestique dans nos campagnes.
Arthur Young, observateur perspicace et consciencieux du dernier siècle, retraçait de 1787 à 1789 ses voyages en France : « Personne, écrivait-il, ne peut imaginer ce que devient la paysanne française sous la pauvreté qui l’écrase. On voit des « choses » qui s’appellent des femmes, mais qui ne sont que des spectres vivans. Les femmes et les filles aux champs, les laboureurs à la charrue