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verte, cette singulière question, à laquelle on revient toujours : que reste-t-il des élections dernières, de ces élections qui datent à peine d’un an et qui ont paru un instant destinées à inaugurer une ère nouvelle ? Cette chambre, qui vient de se séparer après sa première étape dans la carrière législative, vaut-elle décidément mieux ou moins que la chambre qui l’a précédée, qui avait conduit les affaires de la France au seuil d’une redoutable crise publique ?

Évidemment, les élections, en dévoilant les préoccupations, les vœux, les préférences du pays, ses antipathies pour toutes les politiques extrêmes, avaient créé une situation nouvelle où tout était possible si on l’avait voulu, s’il y avait eu une direction. Le malheur est que, dès le premier moment, rien n’a été fait pour dégager et préciser le sens de ce grand mouvement d’opinion, pour former et rallier une majorité nouvelle en la défendant contre elle-même, contre ses préjugés, ses entraînemens et ses incohérences. On a tout fait, au contraire, pour obscurcir la signification d’un scrutin qui était une sorte d’appel à la paix morale, à une politique d’affaires. Sans doute, par ses instincts, par un sentiment vague de son origine, cette chambre nouvelle n’aurait pas été éloignée peut-être de se prêter à une certaine conciliation, à une politique d’ordre financier et de transactions pratiques ; faute d’être avertie, éclairée et guidée, elle s’est laissée, en toute occasion, ressaisir par de vieilles passions, par de vieux engagemens de parti. Elle n’a pas le tempérament des assemblées violentes, elle a les faiblesses et les emportemens de la médiocrité. Livrée à elle-même, elle s’est montrée avec ses contradictions, confuse et flottante, radicale et sectaire par ses votes sans l’être précisément par ses opinions ; timide et usurpatrice, agitée et impuissante, protectionniste par goût, anarchique par inexpérience. Elle n’a rien fait peut-être ; elle a tout essayé, elle a touché à tout, au risque de se perdre dans ses propres œuvres. Puisque les réformes sociales étaient devenues un mot d’ordre universel, la chambre a voulu, elle aussi, avoir ses réformes et témoigner sa bonne volonté. Elle a voté ou discuté des lois sur les syndicats professionnels, sur les délégués mineurs, sur les accidens du travail. La vérité est que toutes ces lois, si elles sont appliquées, ne peuvent avoir d’autre effet que de paralyser l’industrie, de tarir les sources de la production nationale et de ruiner les ouvriers eux-mêmes. La loi des contributions est venue. Au fond, la chambre n’aurait pas demandé mieux que de se défendre d’une expérience dangereuse. Un amendement prétendu démocratique est proposé : sur-le-champ on vote, au hasard, ce qui est aujourd’hui la loi. Au dernier jour de la session survient, à Saint-Étienne, un lugubre accident de mine qui fait de trop nombreuses victimes. Aussitôt, avant de partir, la chambre nomme une commission d’enquête. À quoi peut servir une commission d’enquête parlementaire pour rechercher les causes d’un