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quand ils ne deviennent pas phtisiques eux-mêmes. En guérir un, lorsqu’il en est encore aux accidens du début, c’est donc sauver toute une lignée et chacun connaît la triste fécondité de ces malheureux.

Le traitement marin est donc propre à diminuer le nombre des poitrinaires en attaquant la tuberculose dans une de ses sources ; mais il peut exercer une influence favorable et directe sur les phtisiques eux-mêmes, lorsque leur maladie n’est pas trop avancée. Elle s’arrête parfois dans son cours et il dépend de nous de favoriser ce résultat. Les médecins ont reconnu de tout temps l’influence favorable de l’air marin dans le traitement de cette affection. Ils conseillaient même autrefois les voyages sur mer aux jeunes gens menacés de phtisie. J’ai prouvé, il y a bientôt quarante ans, que la navigation avec ses vicissitudes atmosphériques, ses changemens de climat et ses exigences professionnelles, ne pouvait pas leur être profitable ; que les heureux effets de l’air marin étaient contrebalancés par les influences nuisibles qui sont inhérentes au métier de la mer ; mais il reprend toute son efficacité lorsqu’il est dégagé de ces causes perturbatrices et qu’on le respire à l’aise dans une habitation convenable et sur une plage bien choisie.

On a essayé de tous les moyens pour enrayer cette inexorable maladie, on a eu notamment recours, à divers reprises, aux atmosphères artificielles pour agir directement sur l’organe menacé. On a fait respirer des vapeurs d’iode aux phtisiques, à l’époque où ce médicament était dans toute sa vogue. On a mis plus récemment en usage l’acide fluorhydrique. En ce moment un médecin de New-York, le docteur Weigert, expérimente l’air surchauffe. On espère ainsi faire périr les bacilles ; mais on n’y est pas encore parvenu.

La pratique la plus rationnelle et la plus suivie aujourd’hui consiste à faire vivre les malades dans une atmosphère aussi pure que possible. Ce qui leur est le plus nuisible, c’est le séjour dans un air vicié qu’ils ruminent sans cesse. Tous les médecins en sont convaincus maintenant et font reposer leur traitement sur cette donnée. Elle n’était pas encore devenue un acte de foi il y a vingt ans, lorsque le docteur Lombard, de Genève, émit l’avis que pour arrêter les progrès de la phtisie, il fallait envoyer ceux qui en sont atteints dans les montagnes, à une altitude de 1,300 à 1,800 mètres, et cependant son conseil fut suivi. Des stations se formèrent dans l’Engadine, de Saint-Moritz à Amaden, et quelques médecins anglais, allemands et russes poussèrent la conviction jusqu’à y conserver les malades pendant les froids de l’hiver.

Une autre école vient de se fonder qui ne les envoie pas si loin et se borne à les faire vivre en plein air. Dettwiller, de