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L’augmentation de dépense n’est, du reste, qu’apparente. C’est un simple déplacement. Les petits scrofuleux qu’il s’agit d’envoyer se guérir sur les plages sont traités dans les hôpitaux de l’intérieur ou dans leurs familles et y coûtent plus cher que là-bas. Les établissemens que nous voulons créer désencombreront ceux des villes. Ce sera le premier pas fait dans la voie de la décentralisation hospitalière qui s’impose aujourd’hui. Tout le monde reconnaît qu’il ne faut plus construire d’hôpitaux dans l’intérieur des villes. Ceux qui y sont doivent être réservés pour les blessures et pour les affections aiguës. Les maladies chroniques doivent en être éloignées peu à peu et dirigées sur des établissemens situés à la campagne. Rien n’est plus naturel, par conséquent, que de commencer par les scrofuleux, puisque ce sont eux qui peuvent en tirer le plus de profit et qu’ils sont tous transportables.

Il me reste à envisager la question sous un autre aspect, et ce n’est pas le moins sérieux. L’Œuvre des hôpitaux marins ne s’adresse pas seulement à la scrofule infantile. Au titre de ses statuts, elle a pour but la création, sur les côtes de France, d’établissemens destinés au traitement des enfans et des adultes scrofuleux ou tuberculeux des deux sexes. Elle ne peut s’occuper, pour le moment, que de la première partie de cet immense programme ; la seconde est la part de l’avenir ; mais il faut, dès à présent, la faire entrer dans nos calculs et en mesurer les conséquences.

On sait aujourd’hui que la phtisie et la scrofule ne sont que deux expressions différentes d’une seule et même maladie, la tuberculose, plus meurtrière à elle seule que toutes les épidémies réunies, puisqu’elle détruit le cinquième de la population du globe et le quart de celle de Paris. On sait aussi qu’elle est causée par un organisme microscopique susceptible de la transmettre. Le plus souvent, ce bacille fait élection de domicile dans les poumons. Ces organes, dans l’immense développement de leurs innombrables cellules, lui offrent un admirable terrain de culture. Humidité constante, température élevée, tissu très délicat, très vasculaire, tout favorise le développement de ses colonies, qui s’étendent de proche en proche et détruisent peu à peu l’organe qu’elles ont envahi.

Les conditions sont moins favorables à ce parasite dans le reste de l’économie. La scrofule ou tuberculose locale est plus rare, marche plus lentement et se montre moins rebelle aux agens de la thérapeutique. Abandonnée à elle-même, elle a ses conséquences que j’ai dites plus haut ; mais avant d’avoir son évolution, elle a partout répandu ses germes. Lorsqu’ils meurent, les scrofuleux ont déjà semé, pendant des années, leurs bacilles dans leur entourage et lorsqu’ils réchappent, ils font souche de tuberculeux,