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œuvre, à côté de ceux de MM. Armaingaud et Pallu. Le docteur Vidal, d’Hyères, est comme eux un ouvrier de la première heure ; il les a même devancés, mais il n’est arrivé au but qu’après eux.

Il y a près de vingt ans que notre confrère a conçu la pensée de créer un asile pour les petits scrofuleux sur une des plages du département du Var, sur ce rivage de la Provence auquel la nature a si largement dispensé l’air, la chaleur et la lumière, et qui semble créé pour refaire les constitutions appauvries. En 1877, il fit part de son désir à M. de Nervo, directeur de l’Assistance publique de Paris, et aux professeurs Richet et Gubler, qui l’encouragèrent dans son projet. Au mois de janvier de l’année suivante, il adressa un mémoire sur la question du sanatorium d’Hyères au congrès scientifique de Nice, qui l’accueillit favorablement et consacra son adhésion par un vote.

À cette époque, notre confrère songeait à s’établir sur la plage des Pesquiers, près des salins qui sont au nord de l’étang, et à faire concourir au traitement les eaux mères qu’on en relire. Encouragé par les succès que ces bains, fortement minéralisés, lui avaient donnés dans sa clientèle, il voulait en faire bénéficier les scrofuleux de l’intérieur de la France, en les amenant sur la plage. Il pensait que, grâce à la douceur du climat d’Hyères, il serait possible d’y continuer en hiver les cures commencées pendant l’été à Kreuznach, à Salins, à Bex, à Salies-de-Béarn. Il avait fait partager sa confiance au conseil municipal d’Hyères, au conseil-général et au préfet du Var ; mais il y avait loin de cette approbation platonique à la réalisation d’une entreprise dispendieuse et incertaine dans ses résultats financiers. Ce que M. Vidal a déployé d’habileté et de persévérance pour faire franchir à son projet ce pas difficile, ce qu’il a essuyé de refus déguisés, de fins de non-recevoir, il l’oublie aujourd’hui que le succès a couronné son entreprise, et nous devons l’oublier comme lui.

Il est rare qu’une idée juste et généreuse ne rencontre pas un homme de cœur pour la réaliser. M. Vidal avait maintes fois confié ses ennuis à M. Hermann Sabran, président du conseil-général des hospices de Lyon. Cet administrateur comprit les avantages que pourrait présenter, pour les petits scrofuleux de cette grande ville, un sanatorium maritime situé dans d’excellentes conditions, à une distance de 147 kilomètres, tout au plus, par les voies ferrées, et il se décida à tenter un essai.

Des maisons furent louées et convenablement installées dans le village situé à l’extrémité de la presqu’île de Giens, et, au mois de juin 1887, on y envoya vingt-deux petites filles arrivées au dernier terme de la scrofule. Malgré la gravité de leur état, elles y obtinrent une amélioration telle que l’administration voulut