assure, en effet, aux troupeaux des parcours étendus, où le pâturage naturel abonde. L’herbe y est fort nutritive. Là où elle faisait défaut, par manque d’irrigations ou d’humidité suffisante, le département de l’agriculture, qui poursuit sans relâche et avec succès ses expériences de sélections herbagères, a su acclimater des espèces nouvelles : ainsi du blue grass, foin très savoureux, originaire du Kentucky, auquel la race chevaline de cet état doit sa renommée, qui a été implanté et s’est très rapidement propagé dans les états voisins de l’Indiana, de l’Illinois et du Missouri.
Après la guerre de sécession, la branche de la production ovine s’était développée à l’envi. Tout concourait alors à la prospérité de l’éleveur. Les réquisitions dévorantes des armées avaient raréfié le mouton comme toutes les autres denrées comestibles. La prime sur l’or doublait le bénéfice du vendeur. De plus, un tarif de douanes ultra-protectionniste, édicté en 1867 et maintenu jusqu’en 1883, stimulait à l’excès les efforts du propriétaire terrien, et la consommation, doublant par suite de l’invasion croissante des immigrans, progressait du même pas que la production. On peut se faire une idée de ces progrès par les chiffres, pris au hasard, qui suivent. En 1875, les abattoirs de Chicago et Saint-Louis n’avaient reçu que 544,627 moutons : neuf années plus tard, les entrées sur les mêmes marchés accusaient une vente de 1,971,683 têtes. Durant la même période, la ville de New-York enregistrait aussi une augmentation d’entrées dépassant 750,000 têtes.
Le commerce des laines, ce gros appoint du rendement agricole, n’était pas moins florissant. Grâce à la protection presque prohibitive qui défendait les laines crues indigènes contre toutes provenances étrangères, on voyait la production ovine quadrupler. En outre, le poids moyen des toisons doublait à la suite de croisemens bien compris et sous l’influence d’une alimentation de choix. Le résultat financier se chiffrait par une recette annuelle de 300 millions de dollars. On peut dire que ce fut l’époque où l’agriculture américaine, débordant sur les nouvelles terres vierges ouvertes dans le Far-West à la colonisation et décuplant ses forces à l’aide d’outillages mécaniques et perfectionnés, atteignit l’apogée de sa prospérité.
A cet âge d’or, qui ne pouvait durer, d’ailleurs, les conditions économiques du pays s’étant transformées depuis la pacification, succédèrent les années maigres de l’Histoire sainte. Des 1883, sous la présidence du nouvel élu M. Arthur, la face des choses changea brusquement. La lutte, qui s’accentue aujourd’hui, s’engageait déjà entre l’agriculture et l’industrie américaines. Cette dernière, pour prix de ses services et de ses subsides électoraux, réclamait impérieusement la cessation du régime prohibitif imposé aux laines