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826 REVUE DES DEUX MONDES. THÉRÈSE. Adricnne ne me le pardonnerait pas et me rendrait la vie plus dure encore. D’ailleurs, j’ai promis à Pierre, en devenant sa femme, de la garder. Promesse imprudente, et que j’ai payée cher, je vous le jure!.. Pierre trouve que je suis une pauvre d’esprit, moi, parce que je vais à la messe, et il a de l’estime pour son intelligence, parce qu’elle est libre penseuse comme lui. C’est, je crois, une malheureuse créature pleine d’amertume et d’orgueil, fière de son savoir et exaspérée de n’avoir pas pu s’élever dans la vie au-des- sus de sa modeste condition, une fanatique et une déclassée, en- fin... On commence à nous en faire pas mal, maintenant, sur ce modèle-là. Il paraît qu’il n’y avait pas assez de fruits secs déjà parmi les hommes... Elle professe pour Pierre une admiration pas- sionnée... MEYNARD. Àh ! vraiment. THÉRÈSE. Oui... A ce point que j’en suis quelquefois un peu froissée... un peu irritée contre elle... Je me suis demandé souvent si mon mariage avec Pierre n’avait pas été, au fond, une déception pour elle... MEYNARD. Tiens... tiens!.. THÉRÈSE. Songez qu’elle servait de mère à Adrienne depuis des années, qu’elle dirigeait tout dans la maison... Comment voulez-vous qu’elle se soit résignée à n’y plus être qu’une subalterne?.. Aussi, elle traite avec moi d’égale à égale, elle me tient tête,., elle me brave. MEYNARD. Le mariage d’ Adrienne vous fournira l’occasion de la congédier. THÉRÈSE. Ah! ce mariage!., quel tourment encore pour moi!.. Ce Val- meyr est un petit ambitieux féroce qui passerait sur le corps de son père pour arriver plus vite à la fortune. MEYNARD. Vous n’avez pas essayé d’éclairer Pierre?