libéraux capables de conduire des débats de cette importance avec largeur et autorité ; mais les conflits de l’époque actuelle ne sont pas de nature à comporter une solution mathématique, et il semble que la création d’un tribunal privé d’arbitrage, investi de la confiance des parties intéressées, réponde, pour le moment, aux plus pressantes nécessités. Le député de Liverpool terminait en disant qu’à ses yeux la grandeur et la prospérité du royaume-uni ne dépendaient pas seulement du bien-être d’une partie de la communauté ; la force du pays reposait plutôt sur la fusion des intérêts réciproques et sur la faculté que devait posséder chaque classe d’améliorer ou, au besoin, de défendre sa situation.
Ces paroles ont été couvertes d’applaudissemens. Il n’entre, en effet, ni dans les mœurs, ni dans les habitudes anglaises de demander à l’État l’aplanissement des difficultés qui peuvent surgir entre les patrons et les ouvriers. A cet égard, l’opinion de la chambre de commerce de Liverpool était, pour ainsi dire, connue d’avance, et nous n’aurions peut-être pas songé à la reproduire, si les doctrines libérales de M. Whitley n’avaient revêtu, en raison même du moment où elles étaient énoncées, un caractère significatif. Les grèves de toute nature dont la capitale de l’Angleterre venait d’être le théâtre n’avaient pas manqué d’impressionner la population ouvrière de la Mersey. On signalait, de plusieurs côtés, une agitation menaçante. L’Union nationale des travailleurs des docks convoquait, au commencement de février, 2,000 ou 3,000 de ses membres à un meeting où les paroles les plus violentes étaient prononcées. La presse s’alarmait ; le commerce et l’industrie s’efforçaient de combattre, par les moyens en leur pouvoir, les revendications ultra-socialistes que des orateurs, accourus de tous les points de la Grande-Bretagne, prêchaient journellement aux ouvriers. La situation était délicate, mais en dépit de la gravité de la lutte qui allait inévitablement s’engager, on n’estimait pas que les problèmes en jeu fussent de ceux que l’intervention de l’État était appelée à résoudre. On espérait, — et l’événement a justifié ces prévisions, — que la crise se dénouerait comme d’habitude, c’est-à-dire par un accord également satisfaisant pour les deux parties.
L’orage éclate dans les premiers jours de mars. Du jour au lendemain, 20,000 ouvriers se mettent en grève. La ligne entière des docks de Liverpool, célèbres par leur nombre et leur étendue, est presque complètement abandonnée. A quelles causes fallait-il attribuer cette secousse terrible qui était de nature à affecter si profondément le commerce et la navigation du deuxième port du royaume ? Certes, les réclamations des grévistes n’étaient pas toutes déraisonnables, mais à l’origine du conflit elles portaient sur des points