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déployer à l’égard des ouvriers un esprit de défiance et d’antagonisme, la nouvelle union se propose d’aplanir les différends aussi pacifiquement que possible et de se prêter, de la manière la plus libérale, aux compromis nécessaires. Elle espère ainsi éviter les grèves au plus grand avantage des patrons, des travailleurs et du commerce en général ; la fédération sera très puissante ; elle comptera au nombre de ses adhérens les plus importans chantiers de la Tamise, de la Mersey, de la Clyde, de la Tyne, du Wear, du Forth, etc. Mais si conciliant que soit l’esprit qui l’anime, on imagine aisément que la Société saura défendre ses intérêts. Les constructeurs de navires ont compris que l’isolement les livrait presque sans défense aux revendications arbitraires ou déraisonnables de leurs ouvriers ; qu’en présence d’une grève prolongée, leur ruine pouvait n’être qu’une affaire de mois. Il n’en sera plus ainsi à l’avenir. L’association résistera avec énergie à toutes les entreprises qui seraient de nature à arrêter le travail aussi bien qu’aux agitateurs qui ne craindraient pas d’employer, pour porter atteinte à la liberté des hommes, l’intimidation ou la menace.

C’est ainsi qu’on prend position, qu’on se fortifie. Mais l’esprit général est bon. Les trades unions, jadis si promptes à secourir les grévistes, semblent revenir peu à peu à des sentimens plus équitables. Un rapport récent du Board of trade témoigne de ces dispositions conciliantes. Ce document, cité dernièrement à la chambre des députés de France par M. le ministre des travaux publics, établit que sur cent quatre sections, trente-neuf d’entre elles seulement ont accordé, en 1888, des subventions aux grévistes.


II

Le 10 février dernier, la chambre de commerce de Liverpool était en séance ; une occasion se présentait à cette assemblée d’émettre son opinion suivies récens rescrits de l’empereur d’Allemagne. L’un des représentans conservateurs du Lancashire, M. Whitley, s’était levé et avait appelé l’attention de l’auditoire sur la manière dont on entendait, au-delà du Rhin, régler, avec le concours des puissances, les questions relatives à l’organisation du travail. L’orateur n’hésitait pas à déclarer qu’il n’approuvait, à aucun degré, l’idée de confier à une conférence internationale le soin de se prononcer sur d’aussi graves sujets. A son avis, les chambres britanniques se lanceraient dans une voie dangereuse si elles s’avisaient d’adopter un règlement fixe, une sorte de code obligatoire des heures de travail. Certes, ajoutait M. Whitley, on trouverait aisément au parlement nombre d’esprits distingués et