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de Liverpool. En 1888, les frais de publicité, les secours, le dispensaire, l’achat des provisions, les impôts, les gages des gens de service, etc., ont occasionné une dépense de 145,000 francs seulement. Une partie de l’excédent va au fonds de réserve ; le conseil emploie le surplus à réaliser d’incessantes améliorations. Tel est cet établissement que la générosité de quelques-uns a su élever au premier rang des institutions philanthropiques. Le gouvernement local, c’est-à-dire la municipalité, n’est intervenu qu’à un seul moment, à l’occasion de la concession du terrain. Depuis lors, le Sailors’ home a vécu de sa vie propre, sans aide, sans immixtion, sans ingérence d’aucune sorte de l’administration. N’est-ce pas un témoignage éclatant de ce que peuvent créer de fécond, de bienfaisant et de durable l’activité et l’intérêt bien entendus de toute une classe de citoyens ? Mais en Angleterre ces exemples abondent : on n’en est plus à les compter.

Au surplus, il n’est guère, en Grande-Bretagne, de « corps de métier » qui n’ait songé à former une association pour protéger ses intérêts et dont la vigilance, sans cesse en éveil, ne s’efforce de détourner de l’industrie ou du commerce spécial qui l’occupe, les coups qui viendraient à les menacer. Les propriétaires n’ont pas été les derniers à se syndiquer. Possesseurs de magasins, d’ateliers, de maisons, de bureaux, de terres et d’immeubles quelconques ont compris la nécessité qui s’imposait à eux de résister, à un moment donné, aux innovations législatives et de combattre, par voie de pétitions ou de délégations collectives, les lois préjudiciables à leur compagnie que le parlement pourrait adopter. Fondée en 1860, la Société des propriétaires de Liverpool est composée d’un nombre illimité de membres. La direction, en livrant à la publicité son dernier rapport, déclare que l’existence de sa corporation n’a jamais été aussi nécessaire. « Les agressions contre la propriété sont plus nombreuses qu’à aucune autre époque. Elles n’émanent pas, comme, autrefois, d’individualités sans mandat : elles proviennent des communes elles-mêmes. Toutes les lois de l’économie politique sont méconnues. Le capital, jadis l’objet de la confiance et du respect du peuple, est en butte au plus injuste traitement. Lord Palmerston déclarait un jour à la chambre qu’elle pouvait tout, excepté changer un homme en femme ; il semble que nos législateurs anglais se soient appliqués à faire de cette boutade une réalité ; ils ont tenté de dépouiller une classe importante de la nation au profit d’une autre. »

Qu’était-il donc arrivé pour que les représentans du pays fussent attaqués avec tant de passion ? A la dernière session du parlement, un député ouvrier avait soumis aux