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Mahadieh. Entre les deux se trouvait un village, qu’ils occupaient aussi. Leur camp était formé par le village retranché d’Aboukir.

Leur première ligne se trouvait à une demi-lieue de la seconde. Elle était occupée par environ 6,000 hommes. Nous attaquâmes les deux mamelons des ailes.

Le général Lannes enleva le mamelon de droite ; le général Destaing, qui nous commandait, celui de gauche, pendant que le général Murât faisait filer sa cavalerie le long du lac Mahadieh. Après une assez vive résistance, nous délogeâmes les Turcs, qui, se voyant tournés, voulurent se retirer, mais la cavalerie les chargea, les coupa de leur seconde ligne de défense et les sabra presque tous, en les poussant vers la mer ; comme ils ne voulaient pas se rendre, on les y fit noyer.

Lannes et Destaing se rabattirent vers le village, qu’ils attaquèrent de droite et de gauche. L’ennemi s’y défendait courageusement, espérant être soutenu par sa seconde ligne. En effet, une colonne sortit du camp retranché d’Aboukir ; mais bientôt mitraillée de front, fusillée par nous et prise en flanc par la cavalerie, elle fut refoulée avec pertes. Pendant ce temps, nous enlevions le village du centre. Ses défenseurs furent ou tués sur place ou sabrés par la cavalerie et jetés à la mer.

Ainsi la première ligne était emportée, quatre ou cinq mille Turcs avaient déjà péri. Le général en chef qui, d’abord, avait songé à refouler les Turcs dans la presqu’île et à attendre les divisions Kléber et Reynier, pour les attaquer de nouveau, prit le parti de poursuivre immédiatement les avantages obtenus. En conséquence, nous reçûmes l’ordre de marcher contre la seconde ligne de défense.

Nous nous formâmes en colonnes par pelotons. La division Lannes à la droite, le centre composé d’un bataillon de la 18e et d’un bataillon de la 32e et des troupes de la garnison d’Alexandrie ; le 1er bataillon de la 32e, dont je faisais partie, à l’extrême gauche, le long de la mer.

Le centre tenta un assaut sur la redoute qui formait le saillant du village d’Aboukir. Cette redoute avait un bon fossé, elle était fraisée et palissadée. Elle était protégée par le feu du fort, qui la dominait, et flanquée par deux tranchées avec parapets qui traversaient toute la presqu’île et qui étaient remplies d’Osmanlis. En outre, la flotte, partagée en deux escadres, balayait de son artillerie les abords de cette redoute. Les deux bataillons du centre ne purent franchir le fossé de la redoute et furent obligés de reculer pour se rallier.

Encouragés à cette vue, les Turcs firent une sortie générale de la redoute et de leurs retranchemens pour couper des têtes et