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parlement se décidera à entrer en vacances. Mais la spéculation ne peut traiter avec la même désinvolture les incidens qui viennent de se produire et ceux que l’on attend encore à propos de l’affaire bulgare.

La note remise au sultan, de la part du gouvernement de Saint-Pétersbourg, par le ministre de Russie à Constantinople, a causé un sérieux émoi à Vienne et ne pouvait laisser indifférens les autres cabinets. De quelque façon que l’on considère cet acte diplomatique, et quels que soient les commentaires que lui ont donnés certaines feuilles qui passent pour refléter la pensée du ministère des affaires étrangères de Russie, la remise de cette note est l’indice d’un changement d’attitude du tsar à l’égard des événemens dont l’Europe orientale est le théâtre.

Les termes de la note sont formels : « La décision de donner les bérats (investiture) aux évêques bulgares, malgré les assurances contraires, constitue une offense pour la Russie, parce que ces bérats sont donnés sur la demande de M. Stamboulof et sur la pression de certaines puissances qui ont intérêt à soutenir le gouvernement chancelant de Ferdinand de Cobourg, gouvernement ostensiblement hostile à la Russie. Cet acte constitue donc une provocation à l’égard de la Russie. » Cette déclaration a été faite à la Porte le vendredi 25 courant. La portée en est atténuée par le langage du Nord qui croit savoir que le gouvernement russe, dans l’affaire bulgare, conformera sa conduite à celle des autres puissances, c’est-à-dire attendra simplement le dénoûment de la tragi-comédie jouée par les usurpateurs de Sofia. Il est difficile cependant de ne pas voir dans la note du 25 le point de départ d’une action plus énergique, la fin peut-être de la politique de non-intervention.

Ce qui rend l’incident réellement sérieux est le parti-pris, attribué à la Porte, de ne tenir aucun compte de la note de la Russie. Fort de l’appui assuré de l’Allemagne, de l’Autriche, de l’Italie et de l’Angleterre, le sultan passerait outre et octroierait les bérats aux évêques bulgares. Une dépêche de Constantinople du 27 février annonce que les choses se sont ainsi passées, en effet, et que l’iradé octroyant les bérats a été promulgué le 26. Si l’on rapproche de ces faits une dépêche adressée de Vienne au Daily News, aux termes de laquelle le retour du prince Ferdinand de Cobourg à Sofia le 2 août serait immédiatement suivi de la déclaration de l’indépendance de la principauté et de la proclamation du prince comme roi de Bulgarie, on doit admettre que l’état des affaires dans la péninsule des Balkans est tout au moins menaçant pour la tranquillité d’une partie, sinon de la totalité, du continent européen.

Tous les fonds publics ont naturellement fléchi sur ce nouvel aspect des choses. Le 3 pour 100 français a reculé de 92.95 à 92.60, l’Amortissable de 94.95 à 94.55, le 4 1/2 de 107.35 à 106.90. L’Italien, qui