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sait plus que faire de l’argent et que cette pléthore du Trésor peut déterminer des perturbations nouvelles. Les esprits éclairés ne le méconnaissent pas. Déjà le dernier président, M. Cleveland, avant de quitter la Maison-Blanche, avait proposé d’adoucir les rigueurs de la protection et de revenir à une certaine liberté commerciale. Ces idées se seraient-elles traduites en actes de gouvernement et de législation, si M. Cleveland avait été réélu ? On ne le sait pas. Elles existaient, elles avaient été exposées dans un message qui a pu passer pour le testament politique du dernier président. Dans tous les cas, elles n’ont pas triomphé avec la présidence nouvelle de M. Harrison. Au lieu de chercher dans une politique plus libérale un adoucissement de la crise économique et financière, on n’a trouvé rien de mieux que de recourir à des expédiens au moins bizarres. On s’est flatté sans doute d’aller au même but par d’autres moyens. On n’a pas diminué la protection ; on s’efforce, au contraire, de l’aggraver. On a imaginé en même temps, pour ralentir le mouvement croissant et embarrassant des recettes du Trésor, tout un système de minutieuses rigueurs douanières propres à décourager l’importation. On croit ainsi satisfaire les intérêts protectionnistes et alléger le Trésor de ses excès de richesse. C’est peut-être tout le secret de ce bill de M. Mac-Kinley qui vient de retentir en Europe, jusque dans notre parlement, comme une menace pour le commerce de tous les peuples qui ont des affaires avec les États-Unis.

Tout est réellement étrange dans ce bill ou plutôt dans les deux bills qui portent le nom de M. Mac-Kinley, membre de la chambre des représentans de Washington. L’un de ces bills, celui qui modifie les tarifs en les aggravant sur certains points, n’est pas définitivement voté ; il est encore soumis au Sénat, qui semble assez disposé à le remanier, sans diminuer dans tous les cas les droits exorbitans qu’ont à payer les œuvres d’art importées aux États-Unis. L’autre bill, celui qui crée tout un ensemble de formalités administratives et douanières, est déjà voté et va dès demain entrer en vigueur. Celui-là est certainement conçu de façon à rendre presque impossible le commerce international, à livrer tout au moins marchandises et commerçans étrangers au plus singulier arbitraire, aux chances de toutes les mésaventures. Comment l’importateur se tirera-t-il d’affaire ? Avant d’expédier sa marchandise, il devra présenter sa facture chez l’agent consulaire des villes où la marchandise aura été fabriquée et achetée, avec déclaration du fabricant, du propriétaire, de l’acheteur, avec indication des conditions d’achat, du prix, de la monnaie dans laquelle le paiement a été fait. A l’arrivée dans un port américain, il devra produire sa facture minutieusement détaillée devant la douane, et, à défaut d’une facture, une déclaration non moins minutieuse, signée, paraphée et certifiée sous la foi du serment. Cela fait, la douane procède arbitrairement à ses enquêtes, à ses vérifications. Si l’importateur est