commençait, une de ses premières réformes financières était justement de mettre le principe de la répartition dans l’impôt. C’était l’impôt choisi comme le plus juste et le plus libéral, comme la meilleure garantie contre les inégalités, les vexations et les tyrannies de l’ancien régime, comme une « conquête de la liberté, » suivant le langage du temps. Qu’il se soit ressenti à l’origine des événemens, qu’il ait eu lui aussi ses inégalités, c’est possible. Il est entré réellement dans la pratique et on pourrait ajouter dans les mœurs, au commencement du siècle avec l’établissement définitif du cadastre, ce grand livre de la propriété en France. Il n’a cessé depuis d’être la loi du pays, il a été confirmé même par les expériences qui ont été tentées parfois, comme en 1831, pour le remplacer par l’impôt de quotité, et qui n’ont eu qu’une durée éphémère. C’est la tradition de la révolution française, et ce serait, on en conviendra, un étrange progrès de nous ramener à ce qui n’est après tout que la « taille » de l’ancien régime, à ce droit inquisitorial et discrétionnaire de taxation rendu à l’État comme une grande et périlleuse tentation. On s’est efforcé sans doute l’autre jour, dans la loi votée par la chambre, de mitiger cette exorbitante prérogative, en la limitant, en la soumettant au régime des évaluations décennales. Le principe n’existe pas moins, — et qui peut dire que ce droit d’évaluer les fortunes, de taxer les personnes, ne ferait pas revivre des abus dont on se croyait délivré un siècle après 1789, qu’il ne deviendrait pas, entre les mains d’un parti maître de l’État, un instrument de guerre et d’oppression ?
Et maintenant que l’œuvre hasardeuse, bâclée au Palais-Bourbon, est passée au Luxembourg, que va faire le Sénat de cette étrange loi des contributions directes ? C’est dans les affaires de finances qu’il pourrait le plus utilement exercer son autorité, son droit de contrôle, et c’est précisément dans ces affaires qu’on lui rend la tâche plus difficile, sinon à peu près impossible. On lui envoie toujours les plus ingrates besognes à la dernière heure, — le budget aux derniers jours de l’année, la loi des contributions à la veille des vacances et de la session des conseils-généraux. S’il fait son devoir, s’il exerce son droit et refuse de se prêter à tout, on l’accuse de susciter des conflits avec l’autre chambre ; s’il laisse tout passer, fût-ce en gémissant ou en murmurant, on se moque de ses réserves platoniques et on le traite en assemblée inutile. La question est d’autant plus épineuse cette fois, qu’elle touche à tout, au système financier, au principe des impôts, comme à la politique. Comment le sénat se tirera-t-il d’embarras ? Il ne le sait peut-être pas encore lui-même. Il n’y a que peu de jours qu’il a reçu du Palais-Bourbon ce dangereux cadeau des contributions réformées et que sa commission des finances est à l’œuvre. Ce n’est qu’hier que son rapporteur a pu déposer son rapport, et ce n’est qu’un de ces jours prochains que la discussion s’ouvrira. Le dégrèvement