Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/712

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

délibérations embrouillées, quelle loi de contribution ils pourront transmettre aux conseils généraux, qui vont se réunir dans quinze jours pour procéder à la répartition de l’impôt foncier. — Si l’œuvre équivoque et incohérente que la chambre a votée à bâtons rompus, sous le nom de réforme des contributions, est ratifiée par un vote de condescendance du sénat, c’est sûrement, pour les finances françaises et pour le pays, une expérience qui peut avoir ses périls et prépare plus d’un mécompte. Si le sénat, qui entre maintenant en scène après la chambre, se décide à amender, à corriger, à refaire ce qui a été si médiocrement fait au Palais-Bourbon, on n’en aura probablement pas fini de quelques jours, peut-être pas même avant la réunion des conseils-généraux. Si, au bout de tout, après avoir tout discuté et tout agité, on finit par où l’on aurait dû commencer, en revenant tout simplement, pour l’instant, à la loi de contribution qui a existé jusqu’ici, c’est un aveu bien singulier d’impuissance. Tel est l’état de choses créé par une discussion mal engagée sur des projets légèrement conçus et tardivement proposas, — par l’impatience étourdie d’une chambre sans direction et par les faiblesses d’un ministère sans volonté ou sans autorité. C’est certainement un des plus curieux épisodes de notre histoire parlementaire, pourtant assez féconde en incidens bizarres, en surprises et en contradictions de scrutin.

Assurément, cette question financière, qui a mis le désarroi dans cette fin de session, est la première et la plus grave de toutes. Elle pèse sur le pays, elle pèse sur le parlement et sur le gouvernement. De toutes parts on sent, même quand on ne l’avoue pas ou quand on s’étudie à déguiser une vérité importune, que le moment est venu d’en finir avec une politique qui a fatigué le crédit, engagé les ressources de la France, alourdi le poids des charges publiques par l’exagération des dépenses, mis le déficit dans les budgets. L’ordre dans les finances, l’ordre par les économies, par les dégrèvemens si on le peut, par une sorte de liquidation attentive d’une situation compromise, c’est le mot de tous les programmes. C’est, avec l’apaisement, que les passions de parti comprennent à leur manière, un des vœux les plus clairs, les plus saisissables, manifestés aux élections dernières. Quand M. le ministre des finances Rouvier a préparé son budget pour une année nouvelle, il s’est lui-même préoccupé sans doute de ce vœu de l’opinion, de la nécessité de remettre un certain ordre, ne fût-ce qu’un ordre apparent, dans les finances. Il a en réserve un emprunt qu’on appellera, si l’on veut, un emprunt de liquidation. Il a témoigné l’intention d’opposer une digue au torrent des dépenses imprévues en faisant rentrer le budget extraordinaire dans le budget ordinaire. Il a aussi ses projets de réformes pour quelques impôts. C’est fort bien ! Encore cependant serait-il de la plus simple prévoyance de ne rien précipiter, de n’aborder ces problèmes singulièrement complexes qu’avec maturité, — surtout de ne