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ETUDES SUR LE XVIIe SIECLE

IV.[1]
LA PHILOSOPHIE DE MOLIÈRE.


I

Il est difficile, je le sais, de se faire entendre ; et je n’ignore même pas que quiconque n’y réussit point, c’est sa faute. Mais, en vérité, quelle que soit mon insuffisance, ce que je n’aurais jamais cru, c’est qu’il fût aussi malaisé de persuader à quelques Français, — auteurs dramatiques, professeurs, journalistes et conférenciers, — que Molière ne serait pas Molière s’il n’avait pensé quelquefois ; qu’il y a quelque chose d’autre et de plus en lui qu’un Labiche classique ; et qu’en sortant de voir jouer l’École des femmes ou le Malade imaginaire, après avoir bien ri d’Arnolphe ou du bonhomme Argan, on en remporte encore de quoi songer longtemps. Pour l’avoir osé dire, en effet, je me suis vu rappelé de tous côtés à la fausse modestie qui doit être celle des commentateurs ; et j’aurais traité Molière de baladin ou de bouffon que je n’aurais pas jeté plus d’alarme au camp de tous ceux qui ne sauraient souffrir qu’on dérange l’idée qu’ils s’en font ; — ou plutôt, d’après eux, c’est ainsi qu’on devra désormais le traiter. « Allons, Baptiste, fais-nous rire, » disait Molière à Lulli quand il éprouvait le besoin de

  1. Voyez la Revue des 15 août et 15 novembre 1888 et du 1er juin 1889.