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était le symbole un peu rude de la police et de l’autorité royale. « On y mettait les banqueroutiers, les vendeurs à faux poids, les blasphémateurs, les courtiers de débauche, et surtout les Macettes, qu’on y conduisait assises à rebours sur un âne pour y être fustigées publiquement. » C’était un beau spectacle, pour la foule grossière, que les nécessités de l’existence, la recherche d’un emploi, la présence de la foule elle-même, attiraient sans cesse dans ces rues étroites, encombrées de chalands, de marchands et de marchandises et où se pressait le plus dense de la population parisienne !


IV

Sur un fond de bas peuple loqueteux, misérable, dépenaillé, Têtu, chez le fripier, d’habits et de chapeaux étranges importés des pays éloignés, étalant, le long de bouges infectes, la curiosité pittoresque d’une misère à la Callot, sur ce fond, sans cesse renouvelé par l’afflux de tous les échappés de la province, de tous les écloppés de la guerre, de tous les fainéans de la ville, la population laborieuse se distinguait peu à peu.

C’était d’abord, dans les carrefours, les groupes mouvans des hommes de peine, débardeurs, crocheteurs et gaigne-deniers, beaucoup plus nombreux à cette époque qu’aujourd’hui, parce que beaucoup plus de travaux se faisaient de main d’homme. La plupart de ceux qui sont maintenant enfermés dans les ateliers vivaient alors en plein air ; ils formaient cette populace affamée et mobile qui préoccupait encore si vivement l’abbé Galiani à la veille de la révolution. Ils se tenaient par bandes au seuil de quelque échoppe, le grand chapeau sur les oreilles, le bâton à la main ; ou bien ils marchaient dans la presse, par deux, par quatre, portant des sacs, des tonneaux, des paquets énormes pendus aux perches croisées qui reposaient sur leurs épaules.

Au milieu de cette foule, circulait l’orchestre vivant des cris de Paris, glissant le long des murailles sa complainte aérienne : « ‘étaient les marchands de « châteignes boulues toutes chaudes ; » — « la cerise, douce cerise ; » — « l’argent des glands ; » — le chaudronnier, « argent des réchauds ; » — « le foyfre, nouveau foyfre ; » — « l’argent des chapperons ; » — « l’argent des fusils, » — « l’argent des houçois ; » — « l’argent des celles ; » — « l’argent des manchons, manchettes et rabas ; » — « la mort aux rats et aux souris ; » — « l’argent des gâteaux — des dariolles et des