Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/638

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Notre-Dame-des-dix-huit, des Bons-Enfans, des Cholets, de Bayeux, de Laon, de Narbonne, de Cornouailles, de Tréguier et de Léon, d’Arras, de Bourgogne, de Tours, d’Herbaut, d’Autun, de Cambrai, de Mignon ou de Grandmont, de Justin, de Boissy, de Maître-Gervais, de Danville, de Saint-Michel, de Reims, de Séez, du Mans, de Sainte-Barbe, des Écossais, des Lombards, de Boncourt, de Calvi, de Cluni, des Danois, etc. J’en passe assurément. Mais cette énumération suffit pour montrer avec quelle profusion étaient ramassés, sur un seul point du royaume, les élémens d’une instruction d’ailleurs extrêmement courte. La plupart de ces collèges contenaient peu d’élèves, quelques boursiers entretenus par des fondations ; en revanche, ils nourrissaient un état-major de maîtres, vivant oisivement et se disputant le maigre revenu des prébendes.

Malgré l’abondance des institutions et des édifices religieux, la jeunesse du temps n’en était pas plus sage. Grâce aux privilèges de l’Université, tout ce quartier lui appartenait, et les lieux de débauche y coudoyaient les églises. Ces jeunes gens, pour la plupart venus de loin, pauvres, nécessiteux, vivaient comme ils pouvaient. La tradition des repues franches n’était pas perdue : « Il n’y a fils ni petit-fils de procureur, notaire ou avocat qui ne veuille faire comparaison avec les enfans des conseillers, maîtres des comptes, maîtres des requêtes, présidons et autres grands officiers… Plus débauchés que jamais, ils portent armes, pillant, tuant, paillardant et faisant mille autres méchancetés… Ils empruntent à usure de Traversier, de Dobillon, de l’Italien Jacomeny, qui sont les receleurs de la jeunesse ; et puis qu’advient-il, enfin ? Ils sont contraints de faire l’amour à la vieille ou d’enjôler la fille d’une bonne maison, lui faire enfant par avance, afin d’être condamnés à l’épouser. On ne voit que bâtards, que filles débauchées, et toutes les autres, qui sont honnêtes, demeurent en friche et n’ont pour toute retraite que la religion. »

Cette jeunesse, toujours turbulente, se transportait en armes dans les lieux publics, dans les foires, aux pèlerinages, et elle se livrait impunément à des plaisanteries brutales qui étaient souvent une menace pour la paix publique. Elle avait fait le coup de feu sur les barricades en 1588. La violence de ses passions emportait souvent le corps même de l’Université et les graves docteurs dont le renom et l’autorité étaient encore, à cette époque, respectés par toute la France et dans le reste du monde chrétien.


II

L’Université, déployée en éventail sur la rive gauche, ne communiquait avec la cité et avec la rive droite que par trois ponts,