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c’est la légende qui s’alimente de ces inventions. La réalité est plus prosaïque. L’emploi des 414 millions, en 1889, a été simplement celui-ci : portefeuille de valeurs, composé entièrement de fonds d’État français ou de valeurs garanties par l’État, 258 millions ; portefeuille de papier de commerce de premier ordre, 42 millions ; prêts hypothécaires et communaux, 92 millions ; avances sur titres et encaisse, 22 millions ; total égal 414 millions.

Les 100 millions de la provision pour amortissement des emprunts se nourrissant de leurs propres intérêts, ceux-ci ne contribuent pas à la formation du compte de profits et pertes. Les 314 autres millions ont donné à ce compte, en 1889, un produit total de 11,600,000 francs, soit 3 2/3 pour 100 environ.


III

Le plus gros grief qui ait été fait à l’administration du Crédit foncier est celui qui a trait à l’imputation des frais de publicité au compte de prix de revient des emprunts, qui est pour le Crédit foncier ce que le compte d’établissement est pour les compagnies de chemins de fer. Tout le monde sait ce que signifie l’attribution d’une dépense au compte de premier établissement. On rejette sur le capital une dépense que l’on ne veut pas laisser venir en déduction du revenu. C’est ce que l’on reproche au Crédit foncier d’avoir fait depuis treize à quatorze ans, c’est-à-dire d’avoir enflé le compte de prix de revient des emprunts d’une somme de 22 millions dépensée dans la dernière décade en publicité. Ce chiffre de 22 millions a fait rêver bien des gens et en a indigne d’autres plus ou moins sincèrement. On s’est demandé ce que pouvait représenter d’annonces, de réclames, d’éloges, de silences, plus dispendieux parfois que des éloges, une somme aussi fabuleuse. En fait, on a constamment confondu dans la même indignation, et l’existence même de frais si considérables de publicité, et leur attribution à tel chapitre plutôt qu’à tel autre.

Tâchons de distinguer. La publicité est à la fois la meilleure et la pire chose que l’on puisse imaginer. Avec les inventions modernes, la production à outrance, la concurrence effrénée, la publicité est devenue une absolue nécessité. Elle a de plus, dans les affaires financières, une justification d’un caractère particulier, la nécessité d’aller porter, par la voie du journal ou par celle de l’affiche, la connaissance de l’affaire en cours de lancement jusque dans les rangs de la petite épargne. Publicité veut dire diffusion,