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et emmenait le général Dommartin, commandant l’artillerie, et le général Caffarelli, commandant le génie.

Le général Desaix, qui, avec sa division, avait détruit, dans la bataille acharnée de Sediman (7 octobre 1798), les restes désespérés des mamelucks de Mourad-Bey, qui avait, ensuite, parcouru en vainqueur toute la province, devait couvrir la Haute-Egypte avec cette division, réduite à environ 2,500 hommes. Le général Dugua gardait le delta.

Le général en chef et le quartier-général quittèrent le Caire le 11 février.

La question des transports, pour le matériel et l’artillerie de siège surtout, présentait de grandes difficultés. Bonaparte donna l’ordre au contre-amiral Perrée, qui se trouvait à Alexandrie, de sortir avec trois frégates, et de venir sur la côte de Syrie pour y transporter de l’artillerie de siège et des munitions. C’était dangereux par suite de la possibilité de voir paraître une escadre anglaise. Cependant, cela fut tenté et réussit une fois ; les frégates déposèrent de l’artillerie de siège et des munitions à Jaffa.

Il y a, de Belbeïs au fort d’El-Arisch, environ cinquante-cinq lieues, à faire dans un désert de sable qui ne présente aucune ressource. Les troupes avaient reçu l’ordre de n’emporter que dix jours de vivres. La marche dura onze jours ; il fallut mettre les troupes à la demi-ration, et elles souffrirent beaucoup. Quand elles arrivèrent devant la place, le 18 février, les vivres étaient en grande partie épuisés.

Le général Bonaparte était parti persuadé que le fort d’El-Arisch ne résisterait pas, il en fut autrement, et les troupes assiégeantes y subirent les souffrances de la faim. Elles y auraient péri peut-être, sans un événement tout à fait dû au hasard. L’imprévoyance du général en chef avait été si grande, que non-seulement il n’avait fait emporter que dix jours de vivres pour une marche qui devait durer au moins autant, mais qu’il n’avait laissé aucun ordre pour lui expédier des convois de ravitaillement. Cependant les chameaux et les ânes ne manquaient pas, et l’on avait, au Caire, des farines avec lesquelles on aurait pu faire, à l’avance, du biscuit.

L’expédition arriva donc devant la place presque affamée, et comme celle-ci ne voulait pas capituler, il fallut manger pendant le siège les chameaux et les ânes. Arrivés aux derniers jours, les soldats ne se nourrissaient plus que d’oseille marine, qu’ils déterraient sous le sable. Elle était saumâtre et donnait la dysenterie.

L’inquiétude était grande, car il était impossible de revenir en