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en Syrie, à laquelle devaient prendre part les divisions Kléber, Reynier, Lannes et Bon, et la cavalerie, commandée par le général Murât. Elles formaient de 12,000 à 13,000 hommes. Le 3e bataillon de la 32e et un bataillon de la 69e avaient été désignés pour fournir la garnison du Caire, du fort de Birket-el-Hadji et de Belbeïs, qui formaient la ligne de communication du corps expéditionnaire.

Au Caire, on nous apprit toutes sortes d’événemens. Le général en chef avait pu tenir secrète, pendant plusieurs mois, la destruction à Aboukir de la flotte qui nous avait apportés en Égypte. Après notre débarquement, cette flotte était restée embossée dans la rade d’Aboukir. Elle y avait été attaquée, le 2 août, par une flotte anglaise de même force (14 vaisseaux), commandée par l’amiral Nelson ; la flotte française avait été presque complètement détruite. Quelques frégates seules avaient pu se réfugier dans le port d’Alexandrie. Désormais, nous avions l’Égypte pour prison.

À l’époque de l’expédition d’Égypte, le gouvernement, français était en paix avec la Porte ottomane, et il avait cherché à lui persuader qu’il allait agir dans son intérêt, en détruisant, en Égypte, l’autorité des beys, qui s’étaient rendus presque indépendans. Le général Bonaparte avait donc dit, dans ses premières proclamations aux Égyptiens, qu’il venait, avec l’agrément du grand-seigneur[1], détruire la tyrannie des mamelucks. Mais la diplomatie anglaise travaillait avec activité à Constantinople pour démontrer aux Turcs que c’était bien une conquête que les Français prétendaient faire en Égypte. La victoire navale d’Aboukir avait montré à la Sublime Porte de quel côté étaient les plus forts, et il en était résulté aussitôt, pour les Anglais, le don de la persuasion. Le général Bonaparte avait appris que la Porte était décidée à déclarer la guerre à la France, et qu’elle formait, contre nous, deux grandes armées : l’une à Rhodes, l’autre en Syrie. Cette dernière était déjà rassemblée. Il avait résolu de profiter de l’hiver (1798 à 1799) pour franchir le désert qui sépare l’Égypte de la Syrie et pour aller au-devant de l’armée turque.

Il savait qu’Abdallah, pacha de Damas, qui commandait l’avant-garde, était déjà parvenu jusqu’au fort d’El-Arisch, frontière de l’Égypte et du désert, que Djezzar-Pacha (qui allait bientôt devenir célèbre par la défense de Saint-Jean-d’Acre) avait été nommé séraskier de cette armée. Le général en chef prévoyait des sièges

  1. Ce mensonge fut, dit-on, la cause de la perte de la flotte ; craignant d’être démenti par le premier navire arrivant de Constantinople, Bonaparte avait donné à l’amiral Brueys l’ordre de rester sur la côte pour empêcher ces communications. (P. V. R.)