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trente hussards à pied qui devaient ramener des chevaux du pays que nous allions parcourir.

Nous couchâmes sous des palmiers au-dessous du vieux Caire. Le lendemain, nous remontâmes la rive droite du Nil. Nous passions les nuits dans les villages que nous avions brûlés ou détruits et qui étaient restés déserts.

Le 13, nous arrivâmes à Elfiel. Nous y séjournâmes, y construisîmes un four et pûmes y faire du pain. J’y revis avec plaisir le cheik El-Beled, qui récemment m’avait peut-être sauvé la vie.

Nous continuâmes nos pérégrinations en faisant rentrer, sans résistance, l’impôt du Miry.

Le 28 janvier, nous traversâmes une belle plaine toute cultivée en cannes à sucre. Nous arrivâmes bientôt à Sauvade, grand et riche village, à six lieues en amont de Minieh. Je vis là, dans une sucrerie, un crocodile encore vivant et long de vingt-cinq pieds. Il avait été pris dans une fosse. Il avait la tête cordelée, les yeux fermés, il n’avait pas mangé depuis plus de huit jours, on le croyait mort, quand l’un de nous eut l’idée de monter sur son dos. Tout à coup, il fit un mouvement si violent, qu’il renversa, non-seulement l’insolent, mais d’un coup de queue deux grosses balles de sucre et un ouvrier qui les empilait. Ces crocodiles, très nombreux dans la Haute-Egypte, sont la terreur des riverains du Nil.

Nous séjournâmes à Sauvade jusqu’au 30 janvier. Le Miry ayant été payé, nous reprîmes la direction du Caire en suivant à peu près le même chemin.

Nous arrivâmes, le 3 février, à un village dont les habitans avaient demandé du temps pour payer leurs contributions. N’étant pas mieux disposés cette fois, ils prirent la fuite à notre approche. Le plus grand nombre était déjà sur la rive gauche, mais deux grosses barques, chargées de monde, se trouvaient encore au milieu du fleuve. Le général leur fit tirer quelques coups de canon. L’une des barques fut percée par un boulet et coulée. Quelques-uns de ceux qui la montaient purent achever la traversée à la nage, les autres furent noyés.

Deux villages aussi récalcitrans furent brûlés et démolis.

Nous continuâmes notre route et rentrâmes au Caire, le 9 février, après une excursion qui avait duré près d’un mois.


II

Nous ne trouvâmes plus au Caire que très peu de monde ; presque toutes les troupes, dont deux bataillons de la 32e demi-brigade, étaient déjà en marche. Il était question d’une grande expédition