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permettre de manier plus facilement leurs armes et leurs chevaux.

La division du général Reynier, qui était à notre droite, fut la première attaquée. Quoique ce carré fût formé de soldats aguerris, il fut un peu ouvert par le vide qu’y produisit la chute de plusieurs chevaux. Ceux-ci, frappés par des balles reçues à bout portant, alors qu’ils étaient lancés à toute vitesse, venaient s’abattre, avec leurs cavaliers, morts ou vivans, dans les rangs mêmes de nos soldats. Vingt-cinq mamelucks, environ, profitèrent de cette brèche pour pénétrer dans le carré ; ils y furent tous tués ou pris. Une autre charge à fond, qu’ils firent sur le carré de notre division, ne leur ayant pas mieux réussi, une grande partie de ces cavaliers se jeta dans le camp, qui était retranché.

Les ennemis avaient choisi pour ce camp un singulier emplacement. Ils l’avaient adossé au Nil, de telle sorte qu’attaqués et forcés, ils n’avaient d’autre parti à prendre que de se jeter à l’eau, et le fleuve était bien large !

Notre division, commandée par le général Bon, était composée de la 4e demi-brigade légère, des 18e et 32e demi-brigades de ligne. Elle reçut l’ordre d’attaquer le camp retranché. Nous marchâmes sur lui et reçûmes le feu de l’artillerie, composée de trente ou quarante pièces de gros calibre. Cette artillerie ne put heureusement faire un feu soutenu, parce qu’elle avait été mise en batterie sur de la terre fraîchement remuée et sans plates-formes.

Le général Bon ordonna à la moitié de la première face de son carré de se porter en avant et d’attaquer le camp des ennemis. Tous les pelotons pairs de cette face, soutenus par les carabiniers de la 4e légère, marchèrent aux retranchemens. Nous en étions à environ deux cents pas, quand nous fûmes chargés, avec la plus grande intrépidité, par une multitude de cavaliers. Nos pelotons marchaient séparés, par suite de la faute qu’avait commise le général Bon de ne détacher que les pelotons pairs sans les faire marcher réunis. Heureusement, ces pelotons étaient sur six rangs, et, quoique entourés et séparés les uns des autres, ils formaient de petites masses, des sortes de carrés pleins, les trois derniers rangs ayant fait, d’eux-mêmes, face en arrière. Ce fut au sang-froid et à la bravoure des soldats que cette portion de la 32e dut son salut. Nous fîmes feu à dix pas et couvrîmes la terre d’hommes et de chevaux. Cependant nous continuions d’avancer sur les retranchemens, toujours enveloppés. La division marchait sur nos traces. Tout à coup le chef de bataillon Duranteau, qui nous commandait, nous donne l’ordre de nous porter, à la course, sur le village d’Embabeh, qui servait d’appui à la gauche du camp. Nous