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Cette disposition présentait de grands avantages pour combattre une cavalerie entreprenante, mais dépourvue d’artillerie. Quand on voulait former des colonnes d’attaque, les trois premiers rangs se séparaient et se portaient en avant, les trois autres gardaient leur position et présentaient une réserve formée en carrés.

Nous étions constamment harcelés par la cavalerie ennemie et suivis de loin par les Bédouins. Tout homme qui s’écartait à deux cents pas était perdu.

Dans cette marche, un officier des mamelucks s’approcha de notre carré et nous cria, en italien : « Si, parmi les Français, il est un brave, je l’attends. » Nos cavaliers n’étaient pas alors en état de relever ce défi. Le mameluck nous suivait, continuant de nous insulter, tout en évoluant, au petit galop, autour de nous. On lui avait tiré vainement plusieurs coups de fusil, quand un sergent de voltigeurs eut l’habileté de le frapper au vol d’une balle.

Le 18, nous arrivâmes à un grand village nommé Orkam ; nous y séjournâmes. Déjà nous apercevions les Pyramides, quoique nous en fussions encore éloignés de près de vingt lieues.

Le 20, nous continuâmes notre marche en carrés. Nous bivouaquâmes à l’endroit où le Nil se partage en deux branches, c’est-à-dire à la tête du delta. Nous passâmes cette nuit au bivouac, et sans feux, par suite de la proximité où nous étions des positions de l’ennemi. Une grande bataille semblait imminente pour le lendemain.


Bataille des Pyramides.

L’armée était en marche, dans le même ordre que les jours précédens, c’est-à-dire en carrés par division, quand, vers dix heures du matin, nous aperçûmes l’armée ennemie dans le lointain. On découvrait derrière les ennemis, un peu vers notre gauche, leur camp, formé de tentes et de pavillons de toutes les couleurs. Comme au temps des croisades, ces pavillons élevés étaient surmontés de bannières et de croissans dorés. Les hauts minarets de la ville du Caire paraissaient dans le lointain, à droite étaient les Pyramides. Le centre de ce tableau grandiose était animé par deux armées en mouvement et prêtes à en venir aux mains.

Il est impossible de voir rien de plus beau, de plus brillant, et de plus varié que la cavalerie des mamelucks. Elle couvrait la plaine, et, quoique ennemie, elle charmait nos yeux par les belles couleurs des costumes et l’éclat de ses étendards. Le nombre de ces cavaliers nous paraissait encore bien plus grand qu’il n’était réellement, parce qu’ils étaient en bataille sur un seul rang, conservant de trois à cinq pieds d’intervalle entre les cavaliers, afin de leur