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En fait, le vice-amiral dirige tous les navires de son escadre individuellement ; il leur adresse des signaux particuliers, il les presse ou les retient, les loue ou les gourmande.

Il n’y a pas à marchander : les chefs de division sont annihilés ; ils s’y résignent sans doute, mais ils le sentent, et quelquefois avec amertume. En tout cas, leurs capitaines s’habituent à ne considérer le cuirassé qui les porte que comme une unité de combat ordinaire : ailleurs est l’impulsion, ailleurs aussi vont les regards.

Comment ne s’est-on pas préoccupé de parer à un si grave défaut de la tactique officielle ou plutôt de nos traditions ?

Comment n’a-t-on pas compris qu’enlever au chef de division toute action immédiate sur ses navires, c’était une singulière manière de le préparer au rôle capital qui peut lui échoir dans une rencontre, alors que le succès dépendra de son initiative, de l’impulsion vigoureuse, entraînante, qu’il saura communiquer à des capitaines et à des équipages qui ne l’ont jamais ressentie jusque-là ?

Mais n’insistons pas en ce moment sur des conséquences dont l’exposé trouvera mieux sa place dans une étude plus approfondie. — Il nous suffit d’avoir montré le mal et, nous l’espérons du moins, d’en proposer le remède en préconisant un large emploi des formations par groupes compacts, intimement liés, recevant leur impulsion de leur chef immédiat, à qui seul s’adresseront les signaux du commandant en chef, à qui seul appartiendront l’initiative des mouvemens et le choix de la route que doit suivre le groupe.

Nous ne pouvons évidemment entrer ici dans le détail des applications de l’idée générale de la tactique par groupes. Nous n’avons surtout pas la prétention de répondre d’avance aux objections qu’elle peut soulever et que soulèvent toujours les idées rajeunies, aussi bien que les conceptions nouvelles.

Nous affirmons seulement qu’il faut, de toute nécessité, simplifier la tactique de marche en s’arrêtant à un ordre à peu près exclusif, l’ordre de file par groupes, en substituant les formations aux évolutions, en tenant les groupes aussi serrés que possible autour de leur chef et en fortifiant l’action de ce dernier sur ses deux satellites. Nous remettons à plus tard, quand nous examinerons la tactique de combat, après avoir étudié celle des éclaireurs, le soin de montrer le parti que l’on peut tirer du groupe dans une bataille navale, à condition de lui donner une composition convenable.


Ainsi, poussés par un invincible besoin de simplification, nous revenons au groupe primitif et à l’ordre primordial. À ce besoin,