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Et si le tonnage de ces paquebots le permet, — ce sont le plus souvent de fort grands navires, — le charbon pourrait trouver sa place dans les approvisionnemens dont ils seraient chargés. — L’amiral Bouët-Willaumez évaluait à 1,400 tonnes par semaine la consommation de son escadre, occupée au blocus des côtes de l’Allemagne. Si, d’une part, la flotte que nous venons de constituer est plus nombreuse, si ses opérations doivent être plus actives, d’autre part, la consommation du combustible par cheval-vapeur développé s’est abaissée depuis vingt ans dans de telles proportions que l’on peut accepter le chiffre de 3,000 tonnes comme assez rapproché de ce que demanderait le commandant en chef pour assurer le réapprovisionnement hebdomadaire de ses grandes unités de combat.

Il s’en faut bien qu’à la guerre on marche toujours à grande vitesse, et ce sont les grandes vitesses seules qui entraînent les fortes dépenses de charbon ; — 3,000 tonnes… nos grands paquebots, qui en déplacent 6,000 ou 7,000 au moins, les porteront volontiers. — Ainsi feront, on peut en être assuré, les croiseurs auxiliaires anglais : Aurania, Etruria, qui déplacent 7,000 tonnes et filent 17 nœuds avec des machines relativement économiques ; ainsi feront les italiens Nord-America, Regina-Margherita, qui ont la même capacité et la même vitesse.

Je l’ai dit déjà : il ne faut pas se faire d’illusion sur la valeur d’une ligne de communications exposée à tant de hasards ; un paquebot, si grand, si rapide, si bien aménagé qu’on le suppose, ne vaudra jamais des dépôts judicieusement placés. Mais enfin, on peut tenter l’aventure. L’avantage de permettre à notre armée navale de prolonger ses opérations, de poursuivre l’ennemi, de l’achever peut-être, serait assez grand pour justifier des tentatives plus téméraires.

Parlerai-je de la nécessité d’embarquer sur nos escadres des pilotes, des interprètes et de l’argent comptant ? — Rappellerai-je nos embarras dans la Baltique, dans la Mer du Nord, dans les golfes vaseux de la Chine ? — Certes, ce sont là des souvenirs présens à toutes les mémoires. En déduirons-nous que l’on ait pris toutes les mesures nécessaires, et que, si la guerre éclatait demain, nous serions en mesure de pourvoir tous nos bâtimens de pratiques sérieux, et les navires amiraux, au moins, d’interprètes autorisés ?


II

Marcher à l’ennemi sans balancer, puisque nous nous estimons en mesure de le combattre avec avantage, l’attaquer partout où nous le rencontrerons et décider par une action vigoureuse de la