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PAYSAGES HISTORIQUES
DE FRANCE

II.[1]
LE MONT-SAINT-MICHEL ET SON HISTOIRE.

… Un sifflement aigu de locomotive. Je me réveille en sursaut ; il fait nuit encore. J’ouvre la fenêtre du wagon et je respire avec délice la fraîcheur calmante du paysage normand. Le train coupe au vol de grandes plaines vides, de vastes espaces inhabités. Les rideaux d’arbres, les chênes tordus par le vent, les bouleaux frissonnans, profilent de noires chevelures sur le ciel étoilé. Pacages sur pacages. Des villes somnolentes apparaissent vaguement sur les collines, avec leurs fins clochers comme de vieilles fileuses endormies. Le train dépasse Vire, Saint-Sever, Villedieu. L’aube commence à poindre. Déjà l’inquiétude de la végétation et la couleur venteuse du ciel annoncent le voisinage de l’océan. La rosée blanche qui vient des plages marines couvre les pâturages de longues bandes et jette les lambeaux de sa robe déchirée sur les constellations pâlissantes. Dans une combe noyée de brume, les arbres effarés émergent comme des îlots d’un étang. Les étoiles s’éteignent. La Grande-Ourse plonge de sa partie inférieure dans la mer des

  1. Voyez la Revue du 15 février.