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hallali! 507 annonçaient un jour de « beau revoir, » et le laisser-courre pro- mettait d’être attrayant. La petite cavalcade s’en allait au pas, pittoresquement groupée : le maître d’équipage en tête, superbe, avec sa barbe blonde et sa fière prestance, sous la livrée vert et amarante, collé à son cheval, le grand Passe-Part out, un vigoureux bai brun qui tirait et se tra- versait sans cesse; puis les deux femmes, côte à côte, l’une en costume chamarré, frêle et à peine gracieuse en son lourd accou- trement, l’autre triste et sévère comme sa sombre amazone, ayant désappris le sourire, mais admirable toujours de grâce et de beauté; enfin, Frantz Real en habit rouge, fermant la marche, à cause de l’étroitesse des chemins de la forêt. A l’endroit du rendez-vous, deux voisins seulement attendaient, deux habitués des chasses de Rubécourt, prévenus la veille, et qui, ayant « le bouton, » portaient la livrée de l’équipage. Après un court échange de saluts, de poignées de main et de propos cyné- gétiques, on gagna les abords du canton choisi. Au bout de quelques instans, l’animal était lancé. — C’était une chevrette, qui jaillit de l’enceinte avec une légèreté d’oiseau, passa comme une balle à travers les fourrés et sortit de la forêt, déva- lant vers un fond broussailleux, où elle se perdit un moment, pour reparaître bientôt sur le versant d’un coteau planté, qu’elle gravit en quelques bonds. Les veneurs durent faire un détour pour trouver un passage. Et Frantz eut alors occasion de s’apercevoir qu’il était beaucoup moins bien monté, non-seulement que M. de Buttencourt, mais que Marie -Madeleine, laquelle était sur le dos de Forward, l’un des deux chevaux favoris du baron. Ce Forward était une bête assez sûre, mais très vite et qui sautait comme une daine. M me de Buttencourt, — bonne écuyère, d’ailleurs, malgré sa petite taille et sa minceur, — l’avait mainte fois montée. Quant à la jeune fille, elle n’avait pas encore eu à la piloter en chasse, et il était visible qu’elle ne la tenait point. Au reste, si Marie-Madeleine était bien à cheval, elle manquait un peu d’acquis et surtout de poignet. L’animal de meute ne tarda pas à quitter définitivement les bois. Débuchant dans une assez vaste prairie, qu’arrosent deux cours d’eau qui, vers le milieu, se coupent à angle droit, — une petite ri- vière et un ancien ru, très élargi de main d’homme, formant même, du côté de l’important moulin auquel il sert de bief, un véritable canal, — la chevrette prit l’eau une première fois, dès son débu- cher, se jetant dans la rivière avec l’empressement des bêtes de son espèce et de son sexe. Les chiens de tête étaient appuyés par M. de Buttencourt, toujours près d’eux, grâce à son merveilleux hanter, qui allait un train du diable et justifiait son nom de Passe-Part out. Mais, très vivement,