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Dominguez et les réformistes d’un libéralisme plus avancé, un ancien ministre, M. Gamazo, et les protectionnistes du parlement, M. Martos, le duc de Tetuan, des hommes de toutes les nuances. La politique économique, les réformes militaires, les questions administratives, financières, les désordres récemment dévoilés dans l’administration municipale de Madrid, tout a servi de prétexte, tout a contribué à multiplier et à envenimer les divisions. Déjà, au mois de janvier, la crise avait éclaté, et ce n’est qu’à grand’peine que M. Sagasta parvenait à se tirer d’affaire par un remaniement partiel de son cabinet. Ce n’était visiblement qu’une trêve ; la crise s’est ravivée plus que jamais dès que la loi du suffrage universel et le budget ont été votés. Sans doute, à la rigueur, le président du conseil gardait une apparence de majorité dans les chambres, il avait même, depuis quelques semaines, retrouvé l’appui de quelques-uns des dissidens, du général Lopez Dominguez, de M. Gamazo. Au fond, tout restait confus et incohérent. On sentait que cette situation, toujours disputée, était sans garantie et sans lendemain. C’était si bien le sentiment universel qu’il y a quelques jours à peine, dans un grand débat politique, devant le sénat et devant le congrès, on parlait tout haut d’un changement prochain et nécessaire, que les chefs de parti en étaient à proposer leurs combinaisons et leurs programmes comme si la succession ministérielle était déjà ouverte. C’est dans ces conditions que le chef du cabinet, après avoir paru un instant tenir tête à l’orage, s’est décidé à en finir par un coup d’éclat en remettant ses pouvoirs, en rendant à la reine régente la liberté de le confirmer par un acte souverain de confiance dans son poste ou de choisir un nouveau ministère.

On touchait au dénoûment. Tout s’est passé, d’ailleurs, aussi correctement que possible. La reine régente, fidèle à son rôle constitutionnel, s’est empressée d’appeler successivement auprès d’elle les présidens des deux chambres, le marquis de la Havane et M. Alonso Martinez, les principaux chefs de parti, le général Lopez Dominguez, M. Gamazo, M. Canovas del Castillo, M. Martos, M. Sagasta lui-même, qui a été le premier et le dernier consulté. En réalité, il n’y avait que trois combinaisons possibles : ou M. Sagasta resterait aux affaires avec un cabinet encore une fois remanié, ou bien on formerait un ministère mixte, intermédiaire, ou bien enfin les conservateurs seraient rappelés au pouvoir. — M. Sagasta était exposé à se retrouver dans une situation difficile, après un règne à peu près épuisé ; un ministère mixte risquait de n’avoir qu’une autorité douteuse entre des partis également déçus ou mécontens. Il ne restait donc que l’appel aux conservateurs. M. Sagasta lui-même aurait, dit-on, exprimé à la reine cette opinion qu’un ministère mixte ne serait pas suffisant, que mieux valait pour la monarchie, pour tous les partis, le retour franc et net des conservateurs. C’est ce qui a été décidé. On ne peut pas, d’ailleurs,