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ce traité anglo-allemand, ostensiblement limité à l’Afrique orientale et équatoriale, semble n’avoir plus à attendre que les dernières formalités pour être exécuté. L’empereur d’Allemagne, qui a toute liberté pour ratifier ce qu’il a fait signer, n’en paraît pas bien préoccupé. Il vient de recommencer ses voyages ; il était, il y a quelques jours à peine, en Norvège, où il a prononcé un discours de plus, un de ces discours qui ont toujours une saveur d’originalité, sur les Germains et les Norvégiens. Le parlement britannique, malgré quelques réserves peut-être, n’hésitera pas vraisemblablement de son côté à sanctionner la cession de l’île d’Héligoland en échange des vastes possessions africaines qui mettront la puissance anglaise, campée à Zanzibar, en communication avec l’Egypte. Peut-être cette première négociation conduira-t-elle ou a-t-elle déjà conduit à des négociations nouvelles avec quelque autre puissance, avec l’Italie au sujet de la côte des Somalis ou de la Mer-Rouge. La politique du courtage bien calculé et du marchandage universel, inaugurée autrefois par M. de Bismarck, est devenue décidément une mode et met tout le monde en goût. On partage et on échange des territoires lointains qu’on ne connaît guère, on dispose des souverainetés en pays barbare ! Le traité que l’Angleterre et l’Allemagne viennent de signer est un beau modèle en ce genre ; mais même quand il s’agit de l’Afrique orientale, ce n’est pas tout de signer des traités nouveaux : encore n’est-il que juste de tenir quelque compte des vieux traités. Lord Salisbury, en « assumant » le protectorat de Zanzibar, avait-il oublié que par une convention d’autrefois l’Angleterre et la France s’étaient engagées à respecter l’indépendance du sultanat zanzibarien ? Ou bien avait-il cru qu’il n’y avait plus à s’inquiéter de cette convention de 1862 ? La France, avec tout le bon vouloir possible, ne pouvait vraiment l’oublier, et c’est là précisément la question qui s’est élevée, qui devait s’élever avant tout, avant l’exécution définitive du traité anglo-allemand, entre le cabinet de Saint-James et le gouvernement français !

C’est l’objet d’une négociation qui paraît s’être immédiatement ouverte à Londres et à Paris. Ce qu’il y a d’assez extraordinaire, c’est que des journaux anglais aient paru tout surpris que la France eût gardé le souvenir d’un traité qui date de moins de trente ans et des droits qu’elle pourrait y puiser : il est bien plus étrange encore que l’Angleterre l’ait oublié ou qu’elle ait paru d’abord n’en tenir aucun compte ! Le cabinet anglais, à ce qu’il semble, n’aurait fait aucune difficulté de revenir à une plus juste appréciation des choses, et quelques paroles récentes du sous-secrétaire d’état, sir J. Fergusson, à la chambre des communes, laisseraient croire que le protectorat de Zanzibar ne serait pas encore établi, en d’autres termes qu’il restait provisoirement en suspens jusqu’à l’accord définitif des deux puissances. Dans quels termes maintenant la négociation est-elle engagée ? Quels en sont les élémens divers