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moderne. Cependant, les voyageurs mentionnaient déjà ses charbons naturels. « Près de Saint-Étienne, dit un géographe, il y a trois montagnes au-dessus desquelles il y a toujours un jet de flammes qu’elles soufflent : l’une s’appelle Mina, l’autre Viala, la troisième Buta. Dans leurs flancs, on trouve des charbons de pierre naturels. Les habitans s’en servent chez eux, au lieu de bois et de charbon ordinaire, et les brûlent dans leur foyer ; cela fait un feu très fort et très ardent. Dans ce charbon, on taille aussi des grès d’excellente qualité. »

Plus on s’enfonçait dans l’Auvergne, plus le voyage devenait rude. Nos aïeux avaient peu de goût pour les paysages de montagnes. Ils trouvaient les chemins durs, rocailleux, les pentes raides, les bois sombres et mal hantés. Cela leur gâtait le plaisir. L’Auvergne passait pour un affreux pays. Aussi les voyageurs se pâmaient-ils d’aise lorsque, après avoir franchi les défilés des montagnes, ils débouchaient sur l’exquise et florissante Limagne : « Pour moi, dit Gölnitz, j’attribue volontiers aux habitans de cette région ce que Salvien a écrit des peuples de l’Aquitaine, à savoir que leur pays est, non-seulement la moelle de toute fécondité, mais encore, ce qui vaut mieux, le vrai séjour du bonheur et de la beauté. Cette contrée est, à tel point, entrecoupée de vignobles, de prairies émaillées de fleurs ; les cultures y sont si variées, les jardins et les bosquets y sont si nombreux ; elle est arrosée de tant de fontaines, sillonnée de tant de rivières, couverte de moissons si

Au sud de l’Auvergne, les derniers contreforts des Cévennes et des Causses, dans le Valais, dans le Vivarais, dans le Gévaudan, abritaient une population dure, âpre, tenace, qui avait, en grande partie, embrassé le protestantisme. Montauban était leur capitale. Privas, Rodez, Monde, Aubenas, Pamiers, Millau, étaient leurs places fortes, c’était le vieux pays hérétique, l’Albigeois. Au-dessus du Rhône, il donnait la main aux protestans du Dauphiné et constituait ainsi une puissance redoutable qui, pour le moment, vivait en paix sous le connétable de Lesdiguières, mais qui allait bientôt servir d’instrument à la fortune politique et militaire des Rohan.

De Lyon à Paris, le chemin se faisait assez rapidement par eau. La Bourgogne française était fertile, opulente ; ses vins étaient célèbres, notamment celui de Beaune, qui passait pour un des meilleurs de France : « Il n’est pain que de bornent, vin que de Beaune, » et l’on disait encore « que notre saint-père le Pape, monseigneur le roi et plusieurs autres seigneurs, gens d’église et aultres avoient coutume d’en faire leur provision. »

La Bourgogne n’avait pas oublié tout à fait le grand rôle qu’elle