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gardaient la ville. Sous la régence de Marie de Médicis, Nicolas de Neuville de Villeroy, gouverneur de Lyon, faisait de grands frais pour la réparation de ces forts et pour leur mise en état de défense.

L’intérieur de la ville n’offrait qu’un aspect assez médiocre. Les rues étaient étroites, sales, puantes. Les maisons, très élevées, interceptaient la lumière et l’air ; du haut de leurs toits, des gargouilles de bois déversaient les eaux de pluie sur les passans. Aux fenêtres, des carreaux en papier huilé étaient les seules fermetures et ajoutaient à l’aspect délabré des maisons. Il n’y avait guère de beau quartier que la place Bellecour.

Le système municipal de la ville était, disait-on, « tourné vers l’aristocratie. » On racontait les luttes de la « plèbe » contre le « sénat, » comme s’il se fût agi des plus grands événemens de l’histoire romaine. Lyon, avec son esprit original, étroit, mystique, avait joué un grand rôle dans les guerres de la Ligue. Depuis la soumission de 1594, elle était tout à fait rentrée dans le devoir ; comme disait un contemporain, « on avait vu refleurir une des trois fleurs de lys de l’écusson de France. » Les Lyonnais, après s’être abandonnés à leur passion séparatiste et catholique, s’étaient, suivant les conseils du prudent Bellièvre, portés au-devant d’un roi qui ramenait l’ordre et la prospérité dans le royaume : « C’est au bruit des trompettes et des clairons sonnans, des salves tant d’artillerie que de toutes sortes de canons, que durant huit jours de suite, son peuple avait fait feux de joie par toutes les places et crié haut et clair : Vive le roi ! »

C’est qu’en effet les « maîtres de Lyon, » au fond hommes sages, esprits modérés et pratiques, avaient compris que, si l’anarchie ne pouvait profiter à personne dans le royaume, elle était particulièrement fâcheuse pour les intérêts de leur commerce et de leur industrie.

La situation de Lyon, au confluent des deux rivières qui relient le Nord au Midi, était particulièrement favorable en un temps où presque tout le transport des marchandises se faisait par eau. Par la Saône, elle recevait le blé, le vin, les charbons de la Bourgogne ; par le Rhône, on voyait remonter, venant du Dauphiné, de la Provence, du Languedoc, les vins généreux, les fruits, les citrons, les oranges, les produits de l’Espagne, de l’Italie et de l’Orient. On trouvait à Lyon tout ce qu’on pouvait désirer en soieries, drap, vêtemens, et aussi tout ce qui pouvait intéresser les savans et hommes de lettres. Lyon était un grand marché de livres, et on les expédiait de là par toute l’Europe.

Si le Lyonnais était déjà prospère, le Forez, qui le borde, n’avait pas encore pris le grand essor qu’il doit au progrès de l’industrie