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base. Pour que le corps se sentît à l’aise, il faudrait qu’il pût faire comme les liquides, qui prennent la forme des vases qui les contiennent. Les indigènes, qui déjà bénéficient d’une taille en moyenne plus exiguë, disposent surtout de la ressource de s’asseoir sur leurs talons. L’étranger, qui peut bien figurer, mais non pas conserver cette fatigante position, ne sait que faire de ses jambes, — et de sa tête aussi ; car le buste a beau s’arrondir, sinon avec grâce, du moins avec docilité, il est encore trop grand pour le kago.

L’hôtel est payé ; les pourboires réglementaires sont distribués. Cette coutume a plus de force au Japon que partout ailleurs. Légalement, bien entendu, le pourboire n’est pas exigible ; mais il vaudrait mieux, presque, ne pas régler le corps de la note que de négliger cette dépense complémentaire. L’économie réalisée sur cet article ne serait pas avantageuse pour l’auteur, dont le procédé serait immédiatement signalé, et qui ne pourrait plus se faire servir. Aussi personne ne songe-t-il à se soustraire à cette obligation.

En observateur méticuleux des rites sociaux, maître Koku-ya nous propose de nous reconduire sur une distance de trois tyo (360 mètres). Nous acceptons, sans préoccupation pour le service de l’hôtel durant son absence, ne l’ayant jamais vu faire autre chose que fumer, boire beaucoup de thé et se promener par la campagne. — Au demeurant, nature inoffensive.

En dépit de l’heure très matinale, miss O-Hana-San nous fait l’attention d’assister à notre départ (l’hôtel où sont logés ses parens est en face du nôtre). Elle nous dit gracieusement adieu, et nous la quittons ravis de sa gentillesse, commençant sous une impression agréable la belle journée à peine levée, et comme mieux disposés à en goûter le charme.

Des voyageurs, qui ont également adopté le kago, se joignent à nous. Notre file s’ébranle. En chemin, nous croisons notre ami le petit policeman. Il s’approche, et, affectant de ne pas s’apercevoir d’un détail aussi insignifiant que la présence de maître Koku-ya, nous adresse quelques paroles courtoises en s’informant si nous n’emportons pas mauvais souvenir de l’hospitalité que nous avons rencontrée ici. Dès que nous l’avons dépassé : ano yatsu (ce propre à rien)… commence Koku-ya. Et il nous raconte que les gens de Kusatsu parlent de faire une pétition pour obtenir son changement.

Nous revoyons le plateau aux lis jaunes, mais nous ne tardons pas à prendre, sur la gauche, une route nouvelle, et bientôt nous nous mettons à descendre sans fin. On croit avoir touché le fond de la vallée ; on longe horizontalement un flanc de colline pendant