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Yes, sir, a little.

And do you learn it with pleasure ?

Et miss O-Hana-San répond en japonais qu’elle n’est pas encore très forte, n’ayant commencé que depuis moins d’un an. Nous remontons en jin-riki-sya ; le vieux serviteur de la famille enfourche un cheval portant en croupe un ballot à couverture de paille qui contient le bagage de ces dames, et à la chute du jour, notre petite caravane approchait de Kusatsu.


Une prairie de hautes herbes parsemée de lis sauvages jaunes et de belles fleurs bleues et violettes : tel est le plateau de Kusatsu. Rien dans ce paysage d’une mélancolique expression ne révèle la main de l’homme, n’annonce le voisinage d’un lieu habité. Aussi éprouve-t-on une certaine surprise en entrant, en tombant plutôt dans la ville qui est située au fond d’un véritable trou.

De grandes maisons à trois étages, d’une ressemblance presque parfaite avec les chalets suisses, surgissent sous les pieds et font bonne figure avec leurs poutres vernissées et leurs toits légers chargés de grosses pierres par précaution contre la violence des vents d’hiver. Sur ce qu’on peut appeler la grande place, bouillonne et cascade, au milieu d’un nuage de vapeur, la principale source, celle de Netsu-no-yu. D’un peu loin, à cause des épais dépôts qui recouvrent son lit, on dirait qu’elle roule du soufre liquide. A l’horizon, se profile nettement le redoutable volcan de l’Asama-Yama dont la présence explique ces phénomènes géologiques. Un panache de fumée, blanc, lourd, immobile, qu’on pourrait prendre pour un nuage, le distingue des montagnes qui l’avoisinent.

« On doit éviter les excès de toute nature, mais il faut aussi se garder des idées noires, » recommande aux malades le Guide du baigneur à Kusatsu. Les Japonais se conforment tant bien que mal à la première prescription et consciencieusement à la seconde. Le soir, la plupart des maisons sont illuminées ; le syamisen et le tambourin résonnent, accompagnant la voix des chanteuses et le pas des danseuses. Des gesya de Tokio viennent faire à chaque saison balnéaire une récolte d’argent généralement assez productive, le désœuvrement procurant une clientèle libérale à ceux qui ont pour mission d’amuser le public. De même que pour Vespasien le point d’honneur consistait à mourir debout, il convient, aux yeux des Japonais, de prendre congé de ses amis le sourire sur les lèvres. Car on meurt beaucoup dans ce séjour, ainsi qu’en témoigne le vaste cimetière rempli par les tombes de personnages de marque ayant tenu pendant leur vie assez de place pour mériter d’occuper un mausolée dans la petite nécropole de Kusatsu. — En somme,