Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dangers ont peu de part au butin. » Le proverbe et son commentaire sont évidemment à l’adresse des favoris et courtisans du nouveau règne, pour qui se donne la fête de la restauration, au détriment de ceux qui turent acteurs au début de la grande querelle. Voici maintenant quelque chose de plus pratique et qui va plus directement encore à son adresse : « J’ai observé que ceux qui se mêlent le moins des guerres, soit civiles, soit étrangères, sont non-seulement les plus assurés contre le danger, mais les plus exempts de pertes ; et quoique les personnes héroïques estiment la renommée plus que la vie, cependant il y en a beaucoup qui croient que le plus sage parti est d’être spectateur plutôt qu’acteur, à moins que la nécessité ne vous y contraigne ; car il vaut mieux, disent-ils, être assis sur l’escabeau de la quiétude que dans le fauteuil de l’inquiétude active. » Impossible de dire, en termes plus nets : nous sommes joués, dupés, volés ; mais on ne nous y reprendra plus, et désormais nous resterons au logis, que mon illustre époux n’aurait jamais dû quitter. Eh bien ! il faut l’avouer, il y a eu maintes fois des plaintes plus nobles que celles que la duchesse nous fait entendre. Avions-nous tort, dans une précédente étude, de dire qu’il était resté chez elle beaucoup de l’âme de sa mère, calculatrice et prudente ?


III

La partie la plus originale du livre de la duchesse est celle où elle a rassemblé les propos mémorables qu’elle a entendu tenir à son mari sur les sujets touchant à la politique, à la religion, et autres grands intérêts sociaux. Que les opinions que ces propos formulent soient tort différentes de celles qui ont fini par triompher dans toute l’Europe, cela est certain ; ce qui ne l’est pas moins, c’est qu’elles ne sont pas pour étonner ou scandaliser un Français qui se rappelle son XVIIe siècle. Car elles sont dans le plein courant monarchique de cette époque, et présentent la plus frappante ressemblance avec les maximes d’Etat qui ont eu crédit prépondérant chez nous entre l’avènement de Richelieu et la mort de Louis XIV.

Ces opinions sont celles d’un homme de gouvernement qui sert un ordre de choses établi, nullement celles d’un chef de parti qui sert une cause ou un groupe social, et, dans la pensée de Newcastle, elles étaient nationales, précisément parce qu’elles étaient exclusivement monarchiques. Quand il s’entendait appeler traître envers la constitution de l’état, il répondait que c’était tout le contraire de la vérité, puisque cette constitution était la monarchie à laquelle il était tout dévoué, et quand on l’accusait d’être en révolte contre les