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Lorsqu’il eut été délivré par Rupert des troupes de Cromwell et de Fairfax, qui l’avaient tenu bloqué dans York, les rebelles s’éloignaient quelque peu décontenancés sans faire mine de vouloir combattre. C’était double succès pour les armées royales, puisqu’elles avaient forcé l’ennemi à lever le siège et qu’il se retirait sans essayer de reprendre l’avantage ; mais l’impétueux voulut le contraindre au combat qu’il semblait éviter et ordonna de le poursuivre. Newcastle, plus prudent, s’y opposa, allégua l’insuffisance des troupes dont il disposait, et demanda qu’on attendît au moins l’arrivée de certains renforts qui étaient en marche. Alors Rupert montra l’ordre du roi qui lui enjoignait de combattre et lui remettait le commandement en chef des deux armées. Newcastle s’inclina, et s’en alla dormir dans sa voiture, où il fut réveillé par une fusillade qui lui annonçait que la bataille avait commencé. Cette bataille fut celle de Marston-Moor. Le soir, Newcastle quittait l’Angleterre prétendant qu’il ne pouvait plus rien pour la cause du roi ; en réalité, il s’éloignait pour ne pas subir l’affront d’être le second là où il avait été le premier, et d’être commandé là où il avait exercé un commandement sans contrôle et si étendu qu’il comprenait la plupart des attributions royales.

Ce dépit était-il légitime ? La question est délicate ; toutefois, il est juste de convenir que Newcastle trouvait une excuse dans la manière dont son armée avait été formée. Par une coïncidence qui, à l’origine, lui facilita singulièrement sa tâche, les régions où il avait son commandement étaient précisément celles où se trouvaient ses immenses domaines. Lorsque la guerre civile commença, Newcastle trouva les élémens de son armée parmi ses tenanciers, vassaux, cliens de toute sorte. Ces hommes étaient doublement siens, et parce qu’ils relevaient déjà de son autorité ou de son patronage, et parce qu’il les payait de sa propre bourse, le trésor royal étant alors à sec. Il considérait donc son armée comme lui appartenant, c’était une force qu’il prêtait au roi, comme il venait de lui prêter au même moment 10,000 livres sterling. Il considérait tellement cette armée comme son bien propre, qu’il ne souffrait pas qu’aucun officier général, même commandant au nom du roi, lui donnât des ordres trop formels, et que la duchesse rapporte comme une sorte d’injustice faite à son mari que le roi eût, à diverses reprises, retenu pour son service direct les troupes que Newcastle avait prêtées pour escorter quelque convoi d’armes et de munitions ou pour protéger le voyage de la reine lorsque, après son retour de Hollande, elle voulut rejoindre son époux à Oxford. Et ses hommes, surtout dans les rangs des simples soldats, — les factions et trahisons dont il se plaignait n’existaient que parmi ses officiers, — pensaient à peu près comme lui à cet égard. Il y avait