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noblesse campagnarde, qui faisait le meilleur élément des armées royales, lui était fortement attachée, mais parce que, par son adhésion à la cause royale, elle assurait à Charles le bénéfice de combattre sous le couvert de l’orthodoxie protestante. Il prit donc toutes les précautions en son pouvoir pour neutraliser les mauvais effets de cet ordre téméraire ; il multiplia les explications, pour excuser ce recrutement des catholiques, déclara que la première condition qu’il exigeait d’un soldat, c’était d’être fidèle au roi, et que la religion ne faisait rien à cette fidélité, et en même temps il s’efforçait de rassurer l’église établie en lui prodiguant les marques de déférence partout où il passait. Ces marques de déférence, cependant, ne suffisaient pas toujours pour calmer les inquiétudes ; il y avait des récalcitrans qui ne voulaient pas être rassurés, des intempérans que l’excès de leur zèle inclinait à l’opposition, des fervens qui étaient plus touchés des dangers que courait la religion que des dangers que courait la royauté ; contre tous ceux-là, Newcastle avait inventé une sorte de censure ecclésiastique qui était chargée de les ramener à l’orthodoxie politique, en leur rappelant qu’attaquer le roi, c’était attaquer l’église même, puisqu’elle était partie intégrante de l’État, dont le roi était la tête. Lorsqu’il eut occupé le territoire de l’évêché de Durham, il investit de cet office de censeur un théologien en renom, le docteur Coopens, qui eut devoir d’examiner tous les sermons avant qu’ils fussent prêches, d’empêcher qu’aucune allusion hostile ne pût s’y glisser et d’y ajouter tout ce que lui suggérerait son royalisme en faveur de la cause de Charles. Par ce zèle apparent pour l’orthodoxie protestante, qui lui mérita un jour le singulier honneur d’être appelé le plus ferme pilier de l’église par sir Charles Lucas[1], il affaiblissait, s’il ne parvenait pas à le détruire entièrement, le reproche que beaucoup ne manquaient pas de faire au roi de choisir ses défenseurs parmi les plus irréconciliables ennemis de la constitution, en recrutant ses soldats parmi les catholiques. A ceux-là, il pouvait répondre : Ils sont au moins fidèles au roi, tandis que nos adversaires sont à la fois ennemis du roi et de l’église, et qu’importe que les papistes soient traîtres à l’église, puisque moi, leur chef, je suis son défenseur dévoué ?

Il ne manqua donc jamais à la loyauté, mais il y eut un jour où il fut trop clair qu’il céda au dépit et au ressentiment. Rappelons en quelques mots les circonstances où le dépit se produisit.

  1. « Un jour que Monseigneur visitait avec quelques-uns de ses officiers l’église de Durham, et s’étonnait de la grandeur et de la force des piliers qui en soutenaient la structure, mon frère, sir Charles Lucas, qui était avec lui, lui dit qu’il fallait avouer qu’ils étaient en effet très hauts et de grande force ; mais, ajouta-t-il, Votre Seigneurie est un pilier de l’église bien plus considérable que tous ceux-là. »