que Rupert, faisant ce qu’il n’avait pas pu faire, montât du sud pour le dégager.
La loyauté de Newcastle fut-elle entière et son âme ne fut-elle jamais partagée ? « Les hommes, a dit quelque part M. de Rémusat, obéissent bien plus qu’ils ne le croient à leur véritable opinion ; » rien de plus profondément vrai, mais cette obéissance n’est pas une marque de franchise, comme le croit l’écrivain que nous citons, et, au contraire, elle ne s’obtient d’ordinaire que par une sorte d’outrage à la loyauté. Le rôle d’Ashley Cooper, premier comte de Shaftesbury, sous la Restauration, est un exemple mémorable du triomphe de ces opinions ésotériques qui veulent être servies en dépit de tous les liens d’honneur et de bonne foi ; et qui donc, s’il n’est pas aveugle, ayant considéré même sommairement la carrière de M. de Talleyrand, n’a pas aperçu le libéralisme persistant, opiniâtre, qui la distingue, en dépit des sept ou huit gouvernemens qu’il a servis et de ces nombreux sermens qui n’avaient rien coûté à sa candeur ? Nous avons cherché avec curiosité s’il y avait eu chez Newcastle quelque chose de ce sentiment qui était alors si répandu dans l’aristocratie anglaise, surtout dans la plus haute, et qui fut une des causes principales de la révolution d’Angleterre, c’est-à-dire la crainte que le triomphe du roi ne fût fatal à ses prérogatives. Elle ne pouvait se dissimuler que, si la cause royale l’emportait, on verrait s’établir en Angleterre le même changement qui s’était opéré dans les monarchies continentales, particulièrement celle de France sous la main de Richelieu, une monarchie absolue, entourée d’une noblesse dont le seul rôle serait de faire cortège au souverain et la seule prérogative d’être chargée d’exécuter ses ordres à l’exclusion des autres classes de sujets. Il résultait de cette crainte une extrême division parmi les défenseurs de la cour royale, d’où les cabales, les intrigues, les manèges factieux, les trahisons discrètes, les adroites défections. De là aussi, du côté du roi et des royalistes dévoués sans réserve, les méfiances hasardeuses, les précautions dangereuses, les erreurs de jugement sur les personnes et les actes. La duchesse rapporte à ce sujet un fait fort curieux : « Une certaine personne de qualité ayant été envoyée dans le nord avec un message de Sa Majesté qui était pour lors à Oxford, elle prit monseigneur à part et l’informa que divers membres de la noblesse qui étaient avec le roi désiraient qu’il prît parti avec eux contre Sa Majesté, alléguant que, si Sa Majesté devenait absolue, il perdrait tous ses droits et privilèges. » Si le message était sincère, il faut conclure que le roi était servi par des agens peu sûrs, et s’il ne l’était pas, comme le suppose la duchesse sans toutefois se prononcer, il faut conclure que la confiance du roi en ses meilleurs soutiens était médiocre, car alors cette ouverture n’avait