Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 100.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Angleterre quelques années après, lorsqu’il fut évident que la cause du roi était définitivement perdue.

Shirley n’était pas le seul poète dramatique que Newcastle eût enrôlé dans son armée. Dans la liste donnée par la duchesse des officiers composant l’état-major de son mari, je relève le nom de son lieutenant général d’artillerie, sir William Davenant, le poète lauréat de l’époque. Ce fut un nom célèbre à son heure ; il n’en est pas aujourd’hui de plus effacé dans toute l’histoire de la littérature anglaise. Il n’en fut pas moins l’auteur d’une tentative littéraire mémorable qui aboutit à la création de cet heroic play qui allait prendre la place de cet ancien drame dont nous venons de nommer, avec Shirley, le dernier représentant. Il avait été très frappé de ce qu’il y avait dans ce drame de contraire à la morale, et cela, fait curieux, au moment même où les puritains l’anathématisaient de leur côté comme une œuvre de Satan. Il entreprit donc de le purifier et de l’ennoblir, et pour cela il écrivit plusieurs pièces qui eurent un certain succès sous la restauration, et un poème intitulé Gondibert, toutes œuvres aujourd’hui enfouies dans la poudre des bibliothèques vieilles de deux siècles. Davenant était de ceux pour qui a été prononcé le sic vos non vobis. Ce fut Dryden qui recueillit les bénéfices de sa tentative en la corrompant légèrement et lit triompher le drame héroïque en l’assaisonnant d’un peu de cette brutalité dont il prétendait le sauver. Et voilà ce qui arrive lorsqu’on a la présomption de vouloir être plus moral que son temps et qu’on ne sait pas reconnaître que le courant de votre siècle pousse à Etheredge l’effronté, à Wycherley le cynique, à Congreve le pointu libertin. Après cela la vertu n’est pas seule punie en ce monde, le vice aussi l’est quelquefois, et si Dryden s’était tenu plus près des intentions vertueuses de Davenant, il y aurait gagné peut-être de n’être pas enveloppé dans les invectives dont Jeremy Collier, à la fin du siècle, vint flétrir au nom de la religion le théâtre de cette époque, et en tout cas de se défendre par de meilleures raisons qu’il ne le fit contre les attaques de ce gêneur victorieux qui mit fin, d’un coup net et frappé droit, au scandale prolongé d’une littérature dramatique dont le mépris de la décence avait été la principale condition de succès.

Pendant sa longue vie de près d’un siècle, Thomas Hobbes fut un commensal assidu des Cavendish. Il avait été le précepteur du premier comte de Devonshire, et après lui il en éleva encore deux générations, après quoi la reconnaissance et la longue habitude