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elle a des théories achevées, comme celle de la rosée, qui donnent le sentiment du nécessaire. Avec la chimie, nous commençons à n’avoir plus d’explication. Pourquoi l’oxygène et l’hydrogène, en se combinant, font-ils de l’eau, et comment ? Nous n’en savons rien ; nous ne pouvons pas, étant données les propriétés des compo-sans, en déduire les propriétés des composés. Nous constatons le phénomène, en disant : cela est ainsi, ou nous le produisons en disant : cela va être ainsi, vous allez voir l’oxygène et l’hydrogène se changer en eau. En chimie, dit M. Berthelot, « notre puissance va plus loin que notre connaissance. » Les sciences naturelles sont encore beaucoup moins explicatives : la vie demeure un mystère. Constater n’est pas expliquer. Ouvrir un grain de blé qui germe, le détruire en somme, ce n’est pas saisir en soi a grande loi de la vie, le secret de la germination universelle. Les fonctions mêmes de la vie ne s’expliquent que très imparfaitement. Pourquoi avons-nous deux hémisphères cérébraux, et pourquoi sont-ils faits de telle manière ? Pourquoi telle fleur a-t-elle cinq pétales et non pas six ? Pourquoi tel terrain a-t-il telle composition et non pas une autre ? Ici, de plus en plus, nous constatons, nous décrivons, nous racontons. La partie vraiment scientifique de l’histoire naturelle dépasse la portée de l’enseignement secondaire ; la partie descriptive est ou inutile, ou primaire. La nature fait tourner devant nos yeux son kaléidoscope : nous nous contentons de noter les diverses figures qui se succèdent, une églantine après une violette ou une primevère, un lion après un tigre ou un éléphant. Mais à quoi bon décrire aux jeunes gens tous « les jeux de l’amour et du hasard ? « Il en faut dire assez pour éveiller leur imagination, pour exciter leur admiration et leur curiosité ; le reste est superflu, n’ayant rien au fond ni de scientifique ni de philosophique. L’éducation n’a donc besoin, comme étude approfondie et méthodique, que des deux sciences types, dont les méthodes sont également typiques, l’une déductive, l’autre inductive ; les mathématiques et la physique. Ce sont aussi les seules, ou à peu près, qui donnent occasion non seulement à des rédactions, mais à des problèmes, et conséquemment exercent l’esprit aux solutions. S’il est vrai qu’on ne devient forgeron qu’en forgeant, on n’acquerra pas l’esprit scientifique par l’étude des sciences qui ne laissent aux élèves rien à faire ni à trouver. Il est regrettable que, dans la physique, l’expérimentation ne soit point pratiquée par les élèves eux-mêmes ; malgré cela, cette science inductive par excellence est le complément nécessaire de la déduction mathématique.

Encore ne faut-il, même dans les mathématiques et la physique, n’étudier que les fondemens, mais de façon à les bien