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notre intelligence et qui est présent au fond des êtres, tout au moins dans un effort universel, dans une aspiration universelle qui ne fait sans doute que s’amplifier au fond de notre cœur et prendre conscience de soi dans notre pensée ; qu’en tout cas une matière brute et morte, fût-elle disposée en figures infiniment variées, ne saurait rendre compte de tout, puisqu’il y a des êtres qui vivent, qui sentent, qui pensent ; si, en un mot, le professeur de cosmographie ne se considérait pas exclusivement comme un fonctionnaire de l’état chargé, moyennant une juste rétribution, d’enseigner le matin à huit heures, ou le soir à deux heures, que le rayon vecteur des planètes décrit des aires proportionnelles aux temps ; s’il se regardait comme un éducateur de la jeunesse, lui aussi, à sa manière ; s’il se persuadait qu’un certain idéalisme est nécessaire à l’éducation et qu’on a toujours le temps de se heurter aux choses de la terre ; s’il allait jusqu’à dire à ces enfans, avec Kant, que deux merveilles rempliront à jamais l’homme d’admiration, le ciel avec ses lois au-dessus de nos têtes, la loi morale dans nos cœurs, — et que peut-être les deux lois, au fond, sont la même, obscure dans les clartés du ciel et brillante dans les obscurités de notre conscience ; cette contemplation désintéressée des infinités visibles et invisibles nous semblerait supérieure à la connaissance pratique des « ardoises, » du « grès » et de la « pierre à plâtre. » Celui-là n’est pas un homme qui n’a jamais éprouvé cette « horreur sacrée » que Lucain place sous la voûte des grands chênes dans les forêts druidiques, et qu’on ressent mieux encore dans la forêt des astres sous la voûte du ciel.

En chimie même, selon nous, il ne faudrait enseigner, du moins aux élèves des lettres, avec ce qui est nécessaire à tous, que ce qui est beau et admirable, que ce qui est une révélation sur l’architecture élémentaire des corps, ou sur cette universelle parenté à travers l’espace que révèle l’analyse spectrale. Voici deux programmes de chimie, l’un qui passe en revue toute la série des élémens et de leurs principales combinaisons, qui mentionne la préparation de l’acide sulfurique, de l’acide chlorhydrique, de l’acide azotique, etc. ; l’autre, après un historique rapide des développemens de l’alchimie et de la chimie, demande un examen des principes, les rapports de la chimie avec la physique et avec la physiologie, des considérations sur les atomes chimiques et leur structure, sur la simplicité relative ou absolue des métaux et métalloïdes, sur l’analyse et la synthèse en chimie, sur les limites de notre savoir actuel en ce domaine et sur ses progrès possibles, sur les bornes infranchissables que ne pourra dépasser la mécanique des atomes ; qu’on y ajoute les principales lois de la