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I

Les classes d’humanités ont pour but, comme leur nom même l’indique, d’éveiller dans l’esprit de l’enfant des idées et des sentimens qui soient proprement humains et qui ajoutent, pour ainsi dire, à l’âme de l’enfant l’âme de l’humanité entière. En d’autres termes, il faut transporter l’évolution humaine, en ce qu’elle a de meilleur, dans l’esprit de l’individu. Pour cela, il faut développer chez le sujet les facultés qui font l’homme, et il faut donner pour objets à ces facultés les plus hautes vérités, les plus hauts sentimens auxquels est parvenu le genre humain. L’enseignement supérieur, qui suppose des esprits déjà formés, se tourne tout entier du côté des objets et cherche même à en découvrir de nouveaux : savoir, telle est sa fin principale. L’enseignement primaire lui-même, tout en s’efforçant de développer les facultés de l’enfant, est réduit à s’occuper surtout des objets qu’il est essentiel à tout homme de connaître : sa fin est le minimum de savoir indispensable, comme la fin de l’enseignement supérieur est le maximum du savoir possible. Il en est tout autrement de l’enseignement secondaire, et c’est ce qu’oublient presque tous ceux qui n’ont pas étudié philosophiquement le problème. Sans doute l’enseignement secondaire a encore ses objets avec lesquels il met l’esprit en rapport, car, a dit M. Rabier, « l’esprit ne s’exerce jamais à vide ; » il n’en est pas moins vrai que la fin propre de cet enseignement est la formation même de l’esprit, son développement, son évolution : ce ne sont plus les choses, mais l’homme même et, plus généralement, l’humanité qu’il s’agit de prendre pour but, et c’est pour cela encore que les études de ce genre méritent par excellence le nom d’humanités. Il en résulte aussi cette conséquence que ce ne sont pas les choses matérielles, mais avant tout les choses morales et sociales qui doivent avoir le premier rang dans les humanités. Le véritable objet de ces études, dit excellemment M. Lachelier, est u la nature de l’homme et la vie morale de l’homme. » Dé là vient leur caractère de haut désintéressement qui les a fait nommer des études libérales. Les études primaires ne peuvent s’affranchir d’un certain utilitarisme, puisqu’elles poursuivent le nécessaire, qui est l’utile par excellence ; les études secondaires poursuivent surtout le bon et le beau ; les études supérieures s’occupent surtout du vrai, soit déjà connu, soit à découvrir. Il faut donc, dans l’instruction secondaire, non pas se désintéresser entièrement des objets à connaître, mais choisir de préférence les objets dont la connaissance est le plus capable d’assurer l’évolution du sujet moral en même temps que celle de la société à laquelle il