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254 REVUE DES DEUX MONDES. vous le redire, votre qualité d’amoureux rend tout à fait invrai- semblable... — Mon cher monsieur, interrompit Frantz, au lieu de me prêter une perspicacité et aussi des sentimens que je décline, vous fe- riez peut-être mieux de me révéler les faits... — S’il n’y a pas, même momentanément, interrompit Edgar à son tour, communauté d’intérêts entre nous, pourquoi vousferais- je des révélations? — Eh bien, fit Real impatienté, soit! J’admets que nous soyons intéressés tous deux à déjouer les noires machinations de notre hôte... Vous pouvez, vous devez, dès lors, me dire ce que vous savez, tout ce que vous savez... Il y a longtemps que j’ai quitté Nancy; et, dans ce temps-là, il n’était question de rien. Depuis, j’ai appris que M. de Buttencourt fréquentait, plus assidûment que par le passé, chez les deux frères Hart. La nouvelle de son mariage ne m’a donc pas surpris, étant donné surtout qu’Hélène Hart avait notoirement la plus grosse dot et les plus belles espérances de la province. Mais je n’en sais pas davantage... En honneur, je vous l’atteste ! — Apprenez alors que le baron a paru longtemps préférer l’inté- rieur du moins fortuné des deux frères, et qu’il a tourné court, pour épouser la fille du cadet quand on le croyait occupé avec celle de l’aîné. — Ah! Les doyens de la chasse s’étaient arrêtés en voyant reparaître le baron, suivi de près par les chasseuses et par le garde, qui por- tait les fusils de celles-ci. Elles n’étaient que trois : Hélène, Marie-Madeleine et une jeune femme très parisienne, M me Octave Frugères, née Aimée Baraton, mariée à un homme encore plus jeune et plus parisien qu’elle- même, — ce qui expliquait qu’ils tussent rarement ensemble. — Elle était arrivée la veille seulement, fuyant la solitude d’une pro- priété voisine, où son mari l’avait abandonnée. — Décidément, fit le marquis de Prévallier avec un clappement de langue fort significatif, cet accoutrement semi-masculin est seyant en diable! De fait, les trois femmes étaient des plus gracieuses en leurs te- nues de chasse. Leurs costumes de simple drap jaspé les habillaient on ne peut mieux et prêtaient au charme personnel de chacune d’elles ce surcroit d’attrait que l’équivoque des travestis manque ra- rement d’ajouter aux beautés qui ne sont pas par trop plantureuses. Mais Marie-Madeleine, même vue de loin, éclipsait presque totale- ment ses voisines. Avec sa taille jeune, son buste plein et cepen-