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peu raffermis, ils ont retrouvé leur jactance, leur optimisme. Ils ne font rien peut-être, ils n’ont à peu près rien fait depuis qu’ils sont en session ; ils n’arriveront pas même à aborder le budget avant de se séparer prochainement. Ils se maintiennent, — ils forment une majorité telle quelle ! Au fond, ils n’ont d’autre préoccupation que de garder le monopole du pouvoir. Pourvu qu’ils aient les positions, les magistratures, l’influence, le crédit, tout est pour le mieux ! Les finances elles-mêmes sont prospères ; ils en croiront sur parole M. le ministre Rouvier, qui proclamait récemment qu’il n’y avait eu jamais une plus belle situation financière 1 Ce qui s’est passé à Vicq, c’est de la conciliation, une œuvre de modération et de tact, M. le président du conseil le leur a déclaré et ils l’ont cru ! Ce sont les satisfaits, les mamelucks de la république ! Avec cela, quand on a encore une apparence de majorité, on peut vivre plus ou moins sans doute, on ne fait pas les affaires du pays ; on ne réussit qu’à perpétuer des crises où la France éprouvée en est encore à attendre la politique qui lui rendra, avec la paix morale, la fixité intérieure et l’autorité dans les grands débats du monde.

Bien que, pour le moment, il n’y ait que des perspectives de paix générale, il reste assez de questions ouvertes, indécises, toujours délicates, pour qu’on puisse présumer que, de longtemps, les affaires de l’Europe n’iront pas toutes seules. Elles iront comme elles vont depuis quelque temps déjà, sans s’éclaircir et sans se fixer. Les apparences européennes sont rassurantes ; au fond, la marche des choses reste laborieuse et obscure. La politique chemine entre des alliances qui passent visiblement par une crise assez confuse et des alliances qui s’essaient, se transforment ou se déplacent.

Quoi qu’on en dise, en dépit des déclarations qu’on ne cesse de renouveler, et qui ne peuvent que s’affaiblir en se renouvelant, il n’est point douteux que les anciennes alliances se ressentent du trouble des choses ; elles rencontrent une certaine opposition, qui se manifeste soit par la résistance à des armemens aussi démesurés que précipités, soit par des révoltes spontanées du sentiment populaire. Les politiques ne sont pas toujours assez forts pour imposer leurs combinaisons et l’oubli de longues traditions d’antipathie entre deux pays prétendus alliés. La diplomatie a beau faire, elle ne supprime pas les vieux instincts d’un peuple. On vient de voir ce qu’il en est de l’alliance entre Autrichiens et Italiens par ce qui est arrivé, il y a quelques jours à peine, au-delà des Alpes. Un régiment italien cantonné à Udine, dans une marche probablement combinée d’avance, s’est rapproché de la frontière, où se sont rencontrés juste à point des officiers autrichiens, et là aussitôt, entre chefs militaires, on a échangé les plus chaleureux témoignages de courtoisie et de cordialité. On ne s’est pas arrêté là : Italiens et Autrichiens, vraisemblablement autorisés, sont revenus de