qui l’avez voulu. » Croira-t-on qu’une Claudine Rongeon, en religion sœur Marie-Thérèse, que la maladie avait contrainte de quitter son couvent et qui vivait à Cognin, petit village près de Chambéry, exerça une influence considérable sur les opérations militaires du roi en 1848 ? Elle communiquait avec lui par des voies mystérieuses, et ce que cette visionnaire lui disait de faire, il le faisait. On s’étonnait du décousu de ses ordres, suivis de contre-ordres inexplicables ; on s’enquit, on s’informa, et on découvrit que Claudine Rongeon réglait ses marches et ses contremarches, lui enjoignait tour à tour d’accepter ou de refuser la bataille. Il se tenait pour l’élu de la Providence ; il n’était que le jouet de la fortune et des hommes, une lugubre marionnette dont le hasard manœuvrait les fils. Il n’en est pas moins vrai qu’il a été le précurseur de la libération de l’Italie. Il fut mêlé à l’un des grands drames de l’histoire, sa fin a été tragique. Son nom ne périra pas, et il méritait de trouver un historien.
S’il n’avait tenu qu’à son entourage, aux gens de sa maison, il eût été plus heureux et plus avisé. Parmi ses serviteurs les plus fidèles et les plus méritans, ressortent au premier plan quelque figure de Savoyards, dont le marquis Costa a croqué en passant l’expressive physionomie. Il aime tendrement sa terre natale, et vraiment il a raison. Elle produit des hommes qui, sous une écorce un peu rude, sous une enveloppe qui peut sembler épaisse, cachent une finesse exquise. D’habitude, quand on est trop subtil, quand on découvre sans peine l’envers de toute chose, les principes, la morale, les vertus, tout se volatilise, tout s’évapore. Mais la finesse du Savoyard n’est qu’un bon sens très aiguisé, qui l’empêche de s’abuser sur rien : il prend ce monde pour ce qu’il est, et il ne laisse pas de faire son devoir et quelquefois plus que son devoir. Témoin cette héroïque brigade de Savoie, dont le sang coula pour une cause qui ne l’intéressait point. « Gloire à vous surtout, fils de la Savoie, leur disait Charles-Albert lui-même, à vous, qui sans être Italiens, avez combattu pour la liberté de l’Italie avec une bravoure et une constance qu’elle aurait voulu voir chez tous ses enfans ! Ils promettaient et conspiraient tandis que vous offriez vos poitrines aux balles autrichiennes. »
Le Savoyard sait se battre sans enthousiasme, il sait aussi servir sans illusions et se dévouer à ses maîtres en les jugeant. Tel fut ce délicieux épicurien don Sylvain, ce gros homme court, narquois et bourru, qui « toujours hérissé, toujours grondant, déguisait son bon cœur sous les dehors d’une catapulte et ne vit jamais les choses qu’à travers un verre noirci comme on regarde une éclipse. » Il grognait sans cesse et n’en était que plus gai. Son Carignan lui en voulait de trop bien le connaître ; mais il ne prenait rien au tragique. Cet écuyer ne ressemblait guère à son confrère Grimaldi, à qui leur commun