élégantes, mais naïves, déterrées autour d’elle. Si nous retrouvions au Salon leur âme divine, avec la grâce naturelle et saine de leurs beaux corps, avec la bienveillance paisible et douce de leurs frais visages, avec le balancement nonchalant et souple de leurs attitudes harmonieuses, ce serait plutôt dans la Danseuse, de M. Chapu. Ce n’est pas que M. Chapu soit plus insensible que ses confrères aux séductions de la nature vivante, ni qu’il s’enferme dans la contemplation d’un idéal depuis longtemps réalisé. Il suffit de regarder cette Danseuse, placée sous une niche circulaire, pour constater chez elle, soit dans l’air fin, sinon coquet, de la petite tête, soit dans la façon de poser les pieds, soit dans la manière d’ouvrir à la hauteur de sa tête et d’agiter l’éventail, comme dans la forme même de cet éventail, toutes sortes de traits pris sur le vif et d’une réalité toute fraîche. Ainsi, sans nul doute, les céramistes de l’Hellade saisissaient, au passage, chez les belles promeneuses, dans le mouvement ou la physionomie, certains traits caractéristiques qui leur suffisaient pour donner la vie à leurs figurines sommaires, moins copiées que rêvées. C’est avec la même aisance que M. Chapu semble transposer, par un travail naturel d’imagination saine et bien cultivée, tous les élémens que peuvent lui fournir ses modèles ; en sorte que cette jeune danseuse, à la tunique flottante et transparente, antique par le costume et par la pureté ferme de la forme, moderne par la vérité du geste et la grâce de l’expression, nous conduit doucement vers le rêve et l’idéal par la sensation juste et nette de la réalité. N’est-ce pas là la plus haute fonction de l’artiste et son plus glorieux triomphe ?
La noblesse de l’imagination plastique, la sûreté de l’exécution sculpturale qui désignent à l’admiration presque toutes les œuvres de M. Chapu se retrouvent, avec plus d’ampleur encore, dans la Muse en haut relief qui joue le rôle principal dans le Monument de Gustave Flaubert. Il y aurait fort à dire, il est vrai, si l’on jugeait ce monument au point de vue de la composition générale et significative. Si quelqu’un devait s’attendre à voir une Muse grecque méditer sur son tombeau, ce n’était point sans doute l’auteur de Madame Bovary et de Salammbô. Non pas que ce Normand, sanguin et ironique, fut insensible aux séductions puissantes de la poésie classique, mais dans la vie antique comme dans la vie contemporaine, ce qui paraît surtout l’avoir intéressé, c’est l’explosion, âpre et égoïste, des passions communes et brutales, l’étrangeté et la corruption des sociétés en décadence plutôt que la grâce et l’élégance des civilisations à leur apogée. La Muse qui pouvait s’asseoir à son tombeau, inspiratrice vigoureuse et bizarre, mêlant sur sa physionomie l’enthousiasme le plus ardent et l’ironie la plus