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confondit avec les autres et elle fut entraînée dans la ruine commune.

Après avoir détruit, il fallait bien reconstruire. On s’en occupa pendant quatre ans avec beaucoup d’ardeur, mais sans beaucoup de succès. Il faut voir, dans le livre de M. Liard, tous les systèmes qui furent alors imaginés et le récit des débats auxquels ils donnèrent lieu : c’est assurément une des études les plus intéressantes qu’on puisse faire. Les combattans étaient de grands orateurs, des personnages très considérables, un Mirabeau, un Talleyrand, un Condorcet, et l’on demeure confondu qu’au milieu des luttes politiques où chacun d’eux jouait sa vie, ils aient pu trouver assez de calme pour traiter ces graves questions avec le sérieux et la profondeur qu’elles exigent. Cependant on ne parvint pas à s’entendre. C’est qu’aussi on voulait tout refaire à neuf, et que de pareilles entreprises sont très malaisées. D’ailleurs on ne s’accordait pas sur les principes essentiels, et chacun partait d’idées tellement opposées qu’il était difficile de trouver un terrain de conciliation. M. Liard fait remarquer que les assemblées oscillèrent tout le temps entre deux systèmes contraires. Les uns, fidèles à l’exemple des anciennes universités, voulaient qu’on créât de grandes écoles où toutes les matières de l’enseignement supérieur seraient réunies ; les autres préféraient des écoles spéciales où chacune d’elles serait étudiée à part. C’est le dernier système qui, après de longs débats, finit par l’emporter. La Convention allait se séparer ; elle n’avait plus le temps de reprendre la discussion d’un de ces plans immenses, comme en avait fait Talleyrand ou Condorcet, qui contenaient tout l’ensemble des études ; au contraire, il était aisé de s’entendre sur des écoles isolées, dont l’organisation est plus simple, plus facile à saisir, et qui soulèvent moins de questions de principes. Voilà comment il s’est fait qu’au dernier moment et de guerre lasse on se soit décidé pour elles. Je comprends que quelques personnes le regrettent aujourd’hui ; on peut assurément trouver à redire à ces divisions arbitraires qui enferment chaque portion de la science dans un compartiment isolé et l’empêchent de profiter du secours des autres. Cependant quand on songe aux services que l’École polytechnique, l’École normale, l’École des chartes (pour ne parler que d’elles) nous ont rendus depuis près d’un siècle et aux hommes distingués qui en sont sortis, il n’est pas très aisé de voir ce qu’on aurait pu gagner à une organisation différente.

D’ailleurs, la création des écoles spéciales n’empêcha pas les anciennes facultés de renaître un peu plus tard. Non-seulement on reconstitua celles de droit et de médecine, dont on vit bien qu’on