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dignités de l’Église. De bonne heure, l’Église avait interdit aux prêtres et aux moines d’exercer l’art de guérir. Elle craignait sans doute qu’une profession aussi spéciale, qui demande de si longues études, et si particulières, ne les détournât de ce qui devait faire leur principale occupation. Il s’ensuivait que les professeurs de médecine n’étaient pas à proprement parler des clercs comme les autres ; mais on avait alors si peu l’idée d’une science laïque qu’ils étaient tenus de vivre cléricalement. C’est seulement en 1452 qu’ils obtinrent le droit de se marier. Ils pouvaient donc, à la rigueur, obtenir des bénéfices, comme leurs collègues du droit ou de la théologie ; il leur arrivait aussi de quitter quelquefois leur chaire pour quelque charge importante, qui les éloignait de l’école. Au moyen âge, les papes tiraient de Montpellier leurs premiers médecins, comme firent plus tard les rois de France. Mais ces bonnes fortunes devaient être assez rares, et, le plus souvent, quand on avait commencé d’enseigner avec succès, on continuait jusqu’à la fin de sa vie. Cependant la condition des professeurs ne différait pas de celle des autres. Pas plus dans la médecine qu’ailleurs, il n’y avait de chaire fixe, d’enseignement réservé à un seul sujet et donné par un seul maître. La charte des vieux Guilhems était respectée à la lettre : qui que ce fût pouvait ouvrir une école et la science n’était le monopole de personne. Charles VIII et Louis XII furent les premiers qui créèrent à Montpellier des « professeurs royaux, » titulaires de leur chaire et stipendiés par l’État. Jusque-là les maîtres n’étant payés que par leurs élèves, chacun enseignait ce qu’il voulait, comme il le voulait. Leur grande affaire était d’avoir le plus d’écoliers possible, pour tirer plus de profit de leurs leçons. Ce qui est plus curieux, c’est que les écoliers aussi, à certains momens, devenaient des maîtres. L’année scolaire se partageait en deux parties : la première, qu’on appelait « le grand ordinaire, » allait de la Saint-Luc, c’est-à-dire du 18 octobre, jusqu’à Pâques ; elle était réservée aux leçons des maîtres. Dans la seconde, les élèves enseignent devant leurs camarades et leurs professeurs : c’est leur stage, et plus d’un annonce dès son début ce qu’il doit devenir un jour. Ainsi élèves et maîtres, tous professent ou, comme on disait alors, tous lisent ; et grâce à cette abondance, et à cette diversité, l’enseignement se renouvelle sans cesse.

Ces vieilles écoles étaient donc plus animées, plus vivantes qu’on ne le suppose quelquefois. Mais la vie ne va pas sans quelques agitations et quelques désordres : c’est le prix dont il faut ordinairement la payer. A Montpellier, comme partout, l’université n’est pas toujours sage. Il s’y produit fréquemment des troubles,